Alors, avez-vous passé une bonne semaine ?
Moi, oui, merci de me poser la question – mais j’ai beaucoup de mal à trouver une nouvelle un tant soit peu réjouissante au cours de la semaine écoulée.
Jugez-en : on pensait ne rien ignorer des dégâts invraisemblables et auto-infligés à l’économie britannique par le Brexit, mais la récente déclaration du Chancelier de l’Échiquier à la Chambre des Communes n’en finit pas de produire des remous, au fur et à mesure qu’on en dissèque les retombées. Pour les ménages, le tableau est particulièrement sombre : leurs revenus disponibles ont reculé cette année de plus de 7 % ; leur pouvoir d’achat a chuté comme jamais depuis soixante-dix ans ; le taux d’intérêt à l’achat immobilier est passé de 2,5 % l’année dernière à plus de 6 % aujourd’hui ; et le gouvernement prévoit d’accroître les impôts de l’équivalent de près de 60 milliards d’Euros. Bref, pour les Britanniques, on rejoue un peu 1945, mais sans Winston CHURCHILL.
Autres
nouvelles déprimantes ?...
Volontiers. FRONTEX, l’agence européenne des gardes-frontière et des gardes-côtes, a publié ses statistiques. Au cours des dix premiers mois de cette année, on a recensé l’entrée dans l’UE de 281.000 migrants illégaux, soit une augmentation de 77 %. Près de la moitié sont passés par les Balkans occidentaux ; et 62.000 ont tenté de rejoindre le Royaume-Uni.
Et pour continuer d’évoquer ce qui fâche, voilà que l’on a découvert que le Premier ministre hongrois Viktor ORBÁN, dont nous avons récemment eu, à cette même antenne, à énumérer les exploits, s’emploie activement à tenter d’éliminer de son pays les grandes surfaces et supérettes de groupes étrangers (comprenez : français), au profit de milieux d’affaires proches de son parti politique. C’est, paraît-il, pour lutter contre l’inflation. Vous n’êtes pas obligés de tout gober.
Enfin, il est quand même impossible que vous n’ayez rien de mieux à nous proposer ?
En effet, et c’est pour cela que j’ai gardé dans la manche deux nouvelles un peu plus positives.
D’abord, la Banque centrale européenne, même si elle dit bien mesurer les risques actuels pour la stabilité financière de la Zone Euro : inflation, recul de l’économie réelle, coût élevé du financement, constate dans le même temps que l’Union monétaire et son Mécanisme de stabilité amortissent correctement les secousses mondiales.
Et puis, toujours au chapitre de ces secousses, l’effondrement du géant américain de la cryptomonnaie FTX ne devrait pas avoir pour l’Union européenne les mêmes conséquences que la chute de LEHMAN BROS en 2008. Au mois de juin, pionnière mondiale dans ce domaine, l’UE s’est dotée d’un système d’encadrement et de régulation de la cryptosphère, le Règlement MiCA, qui aurait tout simplement empêché FTX et ses concurrents douteux de s’immatriculer en Europe.
Et pour cette semaine, est-ce plus joyeux ?
Joyeux, pas vraiment, c’est plutôt de la routine, avec la publication de l’indice de confiance des consommateurs européens ; et puis une visite intéressante : celle du Président de l’Ouzbekistan, Chavkat MIRZIYOÏEV, à l’Élysée, intéressante, parce que l’on sent bien que, du fait notamment de la guerre déclenchée par les Russes en Ukraine, les anciennes républiques soviétiques du Caucase cherchent à s’éloigner de MOSCOU et à se rapprocher de l’Union européenne.
Moins routinière, la décision attendue de la Cour suprême du Royaume-Uni, qui doit statuer sur la demande du gouvernement régional écossais de tenir un nouveau référendum sur l’indépendance. En fait, la Première ministre de l’Écosse, Nicola STURGEON, est gagnante à tous les coups : si les juges autorisent cette consultation populaire, c’est bon ; si, au contraire, c’est non, eh bien, c’est bon aussi, puisque cela provoquerait une bien prévisible réaction nationaliste et Mme STURGEON pourra se sentir renforcée de façon décisive, et libérée de toute obligation constitutionnelle envers les institutions et autorités britanniques.
Une dernière, peut-être ?...
Ce n’est pas que l’on ait souvent ici l’occasion de parler de la politique intérieure de la Belgique – mais écoutez plutôt : une parlementaire se voyait ministre, le chef de son parti le lui a refusé ; elle souhaitait être tête de liste aux prochaines élections, rebelote.
Bon, vous me direz, c’est d’une grande banalité, et vous aurez raison. Mais ce qui est résolument peu banal, c’est sa contre-attaque (victorieuse). Élue à BRUXELLES du Parti libéral francophone, le MR, elle a pris sa carte au Parti libéral flamand, l’Open-VLD, qui l’a aussitôt nommée Secrétaire d’État au Budget dans le gouvernement fédéral, où les deux partis libéraux sont en coalition. Bingo. C’est que Mme Alexia BERTRAND, née à ANVERS, est une francophone des Flandres et à ce titre parfaitement bilingue français-néerlandais, avantage devenu aujourd’hui rare dans la classe politique du Royaume.
Alexia BERTRAND, retenez ce nom : son changement d’identité politico-linguistique est sans précédent aucun – à quarante-trois ans, elle entre donc aussi dans l’Histoire constitutionnelle de son pays.
Entretien réalisé par Laurence Aubron.