Retrouvez chaque semaine l'édito de Quentin Dickinson sur euradio. L'occasion de découvrir la diplomatie et l'actualité européenne sous un nouvel angle.
Alors, QD, avez-vous passé une bonne semaine ?...
Moi, plutôt oui, merci ; l’Europe, je ne sais pas. Comme les semaines précédentes – et, sans aucun doute, les semaines suivantes – le devant de la scène aura été dominé par la guerre entre Israël et le Hamas.
Lundi, les ministres des Affaires étrangères de l’UE ont évalué le risque d’importation en Europe de ce conflit, risque d’ailleurs avéré par plusieurs attentats islamistes récents ainsi que par des déclarations et des actes antijuifs et des manifestations pro-palestiniennes. Il s’agissait surtout de préparer le Sommet européen de fin de semaine : navrant constat, les Vingt-sept ont débattu de longues heures durant sur le fait de savoir s’il fallait appeler à un cessez-le-feu (ce qui, disaient les uns, permettrait au Hamas de se regrouper) ou à plusieurs trêves humanitaires successives (ce qui, selon les autres, garantirait un affrontement militaire sans fin ni perspective de règlement diplomatique).
De plus, la conférence sur la paix, réunie en Égypte, avait déjà exposé à volonté les approches divergentes sur cette question, entre Français et Espagnols d’une part, et d’autre part, les Allemands.
Un autre jour, une autre guerre : mardi, les chefs de la diplomatie européenne ont préparé, sans espoir véritable, la conférence sur la paix en Ukraine prévue les 28 et 29 novembre à Malte, succédant à des réunions identiques à DJEDDAH et à COPENHAGUE.
Mot d’ordre : que l’UE ne donne pas l’impression d’un quelconque désintérêt pour l’après-guerre, le jour venu.
Mais l’UE, au fond, a-t-elle les épaules assez larges pour s’impliquer dans deux guerres simultanées, QD ?...
Si ce n’était que ça, probablement – mais les clignotants passent au rouge un peu partout : au Proche-Orient et en Ukraine, évidemment, mais aussi au Kossovo, en Afrique, en Mer de Chine, autant de lieux de conflits latents ou rouverts, où la parole modératrice de l’Europe est inaudible, même si elle reste le premier donateur mondial d’aide au développement et d’aide humanitaire.
Un autre sujet, une autre crispation : les ministres se sont montrés particulièrement agacés des mamours affichés du Premier ministre hongrois Viktor ORBÁN et de Vladimir POUTINE (et, accessoirement, de XI Jinping). En séance et dans les couloirs, le langage a été particulièrement peu diplomatique, ce d’autant plus que ce sont les Hongrois qui doivent assurer la présidence tournante du Conseil des ministres de l’UE au second semestre de l’année prochaine.
Tout ce hourvari aura éclipsé un événement qui aurait, normalement, dû valoir quelque éloge à l’action diplomatique européenne : il s’agit de la ministérielle, suivie d’un Sommet, entre l’UE et cinq anciennes républiques soviétiques, le Kazakhstan, le Kyrghizistan, l’Ouzbekistan, le Tadjikistan, et le Turkmenistan.
La semaine, vous le disiez, s’est terminée sur cette réunion, mais ce n’était pas le seul Sommet…
Il y a eu (on y a fait allusion il y a quelques instants) le Sommet des chefs d’État et de gouvernement de l’UE, qui a soutenu toute forme de trêve humanitaire à Gaza ; qui n’a pas qualifié le Hamas d’organisation terroriste, mais qui l’a déclaré coupable d’attaques terroristes atroces et aveugles (on appréciera la nuance) ; qui a mis en garde les réseaux sociaux, responsables de la désinformation et des incitations à la haine et à la violence ; a appelé à une grande conférence internationale sur la paix le plus tôt possible ; et a redit son plein soutien à une solution à deux États, Israël et la Palestine.
Plus discrètement, s’est tenu ici un Sommet dit du Portail mondial, réunissant à l’initiative de l’UE seize pays non-européens. Une semaine après un sommet à PÉKIN, on peut facilement comprendre que les Européens entendent activement contrer l’initiative chinoise consistant à se constituer, le long de nouvelles routes de la soie, une ribambelle de pays dépendants de l’économie, et donc du bon-vouloir, de PÉKIN. L’impérialisme peut prendre plusieurs formes, et toutes ne sont pas militaires.
Et vous avez en poche, je crois, quelques brèves…
Oui, rapidement, et sans ordre particulier :
D’abord, le chef de l’État turc, Recep Tayyip ERDOĞAN, a finalement transmis au parlement de son pays le projet de loi levant le veto d’ANKARA à la candidature de la Suède à l’OTAN. La fin du tunnel de la mauvaise foi est en vue, mais l’on n’en est pas encore sorti.
Ensuite, l’Allemagne compte un nouveau parti politique, le Bündnis Sahra WAGENKNECHT, ou BSW, en français : l’Alliance de Sahra WAGENKNECHT, BSW. Mme WAGENKNECHT, pasionaria germano-iranienne de l’extrême-gauche, rompt avec celle-ci pour se rapprocher des thèses xénophobes et pro-russes de l’extrême-droite. On revit en quelque sorte cette époque oubliée de l’après-Première guerre mondiale, où se rejoignaient les théoriciens allemands des deux extrêmes, acharnés à abattre la nouvelle République de WEIMAR. C’était le temps du Querfront, le Front transversal.
Ensuite, un jour de grève générale a été observé mardi en Islande par toutes les femmes du pays, y compris la Première ministre Katrín JAKOBSDÓTTIR. En cause, le surplace de l’égalité salariale hommes-femmes et les violences faites aux femmes.
Enfin, toutes nos félicitations à Mme Nicola STURGEON, qui, à 53 ans, vient d’obtenir (et à la première tentative) son permis de conduire. Il n’est pas certain que ce soient les cours de conduite automobile qui aient motivé sa récente démission des fonctions de Première ministre régionale d’Écosse – mais bonne route quand même, Nicola !
Entretien réalisé par Laurence Aubron.