La semainière de Quentin Dickinson

La fin de l'optimisme - Quentin Dickinson

@Leopictures/Pixabay La fin de l'optimisme - Quentin Dickinson
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Alors, Quentin Dickinson, avez-vous passé une bonne semaine ?

Honnêtement, pas vraiment : le contexte actuel au Proche-Orient n’incite pas franchement à l’optimisme et l’actualité politique en Europe reste préoccupante à bien des points de vue.

A quoi faites-vous référence en particulier ?...

Je pense surtout au résultat décevant des élections dans plusieurs pays de l’Union européenne – mais, heureusement, pas dans tous.

Récapitulons : en Slovaquie, le populiste pro-russe et eurosceptique (le terme est faible) Robert FICO, arrivé en tête aux législatives, est parvenu à signer un accord politique de coalition avec les socio-démocrates, dissidents de son propre parti, ainsi qu’avec un parti de la droite ultra-nationaliste. Sauf surprise, la Présidente de la République slovaque, la pro-européenne Zuzana ČAPUTOVÁ, qui avait donné quinze jours à M. FICO pour lui proposer une équipe gouvernementale, devra cette semaine lui confier les fonctions de Premier ministre, ce à quoi la Présidente est tenue par la Constitution de son pays. Il reste à voir (notamment) si M. FICO, comme il s’y était engagé au cours de la campagne électorale, mettra immédiatement fin à toute fourniture à l’Ukraine d’armes et de munitions.

En Allemagne, des élections régionales se tenaient en Bavière et en Hesse ; dans ces deux États fédérés, elles auront témoigné de la chute de la popularité collective des trois partis de la coalition de centre-gauche au pouvoir au niveau fédéral, plombés par des résultats particulièrement décevants pour les Verts.

Ces résultats profitent d’abord à l’opposition démocrate-chrétienne qui arrive largement en tête tant à MUNICH qu’à FRANCFORT-sur-le-MAIN, ce qui était relativement prévisible, mais qui ne doit pas masquer la progression du parti d’extrême-droite AfD, arrivé troisième en Bavière et même deuxième en Hesse, alors que, jusqu’ici, ce parti peinait à sortir de son terroir d’origine dans l’Est de l’Allemagne.

Mais le pays sur lequel tous les regards restent braqués, c’est évidemment la Pologne

La Pologne dont les citoyens ont élu dimanche leurs députés et sénateurs et qui ont, de surcroît, été gratifiés d’un référendum portant sur pas moins de quatre questions, dont les réponses étaient assez incluses dans leur formulation – exemple : ‘Êtes-vous favorable à la vente de biens de l’État polonais à des entités étrangères, ce qui entraînerait une perte de contrôle des Polonais sur des secteurs stratégiques de l’économie ?’ Autre exemple (c’est mon préféré) : ‘Êtes-vous favorable à l’arrivée de milliers d’immigrés en situation irrégulière, provenant du Proche-Orient et d’Afrique, en vertu d’une obligation imposée par la bureaucratie européenne ?’. On aurait aussi bien pu demander aux électeurs polonais s’ils étaient favorables à la distribution de billets de banque aux délinquants.

Chacun aura compris que la simultanéité des deux scrutins et les thèmes du second trahissaient l’intention du gouvernement polonais, nationaliste et eurosceptique, d’attiser la méfiance des milieux ruraux et des électeurs âgés vis-à-vis de tout changement et de toute tendance présentée comme un péril pour eux.

Mais les Polonais n’ont pas été dupes de la manœuvre, Quentin Dickinson

En effet, et les résultats sont là : alors que la participation aux législatives dépasse le record du premier scrutin tenu après la fin de l’ère communiste, la participation au référendum, elle, avoisine modestement les 40 %, alors qu’elle aurait dû dépasser les 50 % pour être validée. Exit donc cette surréaliste consultation populaire.

Venons-en alors à l’essentiel, c’est-à-dire les législatives : qui l’emporte ?

D’une très courte tête, le parti du gouvernement sortant, le PIS de M. Jarosław KACZIŃSKI, arrive en premier, mais est dans l’incapacité de réunir une majorité au parlement, ce qui fait l’affaire de son principal concurrent, M. Donald TUSK, pro-européen (et d’ailleurs ancien Président du Conseil européen), dont la coalition, elle, est assurée d’une telle majorité.

Il convient cependant de rester prudent dans nos pronostics, car il probable que le Président de la République, Andrej DUDA, membre du PIS, fera tout pour freiner l’avènement de M. TUSK et de ses amis.

Il est certain, cependant, qu’un gouvernement TUSK désamorcerait le considérable bras de fer entre la Commission et le Parlement européens, d’une part, et, d’autre part, les autorités polonaises actuelles, notamment sur la mise au pas de la justice polonaise, sur la mainmise du pouvoir sur les médias, sur les flux migratoires, et sur les droits des personnes LGBT.

Pour finir, vous avez découvert une information, certes pas franchement déterminante, mais cependant surprenante, en marge des affrontements entre Israël et les terroristes du Hamas, c’est cela ?

Vous vous souviendrez de la démission-surprise de Mme Nicola STURGEON de ses fonctions de Première ministre régionale en Écosse, Mme STURGEON, dont le successeur à la tête du Parti national écossais et du gouvernement régional est M. Humza YOUSAF, né à GLASGOW de parents pakistanais. Or, on vient de s’apercevoir que les parents de son épouse, d’origine palestinienne, sont l’un et l’autre bloqués dans la Bande de Gaza, pris dans la nasse avec des centaines de milliers de déplacés.

Et il se murmure à ÉDIMBOURG que, dans ce contexte dramatique, la décision du comité de gestion du Parlement régional écossais de refuser d’éclairer la façade du bâtiment des couleurs bleue et blanche du drapeau israélien – contrairement à la Chambre des Communes à LONDRES et au 10, Downing Street – est particulièrement maladroite.

Un entretien réalisé par Laurence Aubron.