La semainière de Quentin Dickinson

Adhésion de l'Ukraine, session plénière et un invité inattendu en Italie

© European Union 2019 - Source : EP Adhésion de l'Ukraine, session plénière et un invité inattendu en Italie
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Alors, QD, avez-vous passé une bonne semaine ?...

Une semaine en tout cas qui aura divisé les observateurs comme les dirigeants politiques européens. Sans aucun doute y a-t-il tout lieu de se réjouir que l’Union européenne ait décidé d’ouvrir les négociations d’adhésion avec l’Ukraine, et également avec la Moldavie ; et on ne doit pas sous-estimer un autre engagement : c’est la perspective, à terme, de négociations d’adhésion accordée à la Géorgie et à la Bosnie-et-Herzégovine, lorsque ces deux pays auront mené à bien leurs indispensables réformes internes, dont on peut penser que cela nécessitera un temps considérable.

Mais, a contrario, on ne peut que regretter que les Vingt-sept aient échoué à s’accorder sur le fonds d’assistance immédiate à l’Ukraine, doté de cinq milliards d’Euros.

Curieusement, vous n’avez pas encore prononcé le nom de Victor ORBÁN, Quentin Dickinson.

Non, j’y venais justement. C’est en effet le Premier ministre hongrois qui aura, à nouveau, joué habilement de la faiblesse qu’engendre la règle de l’unanimité dans une Union européenne à vingt-sept pays-membres.

Mais M. ORBÁN aura réussi à se mettre tout le monde à dos, à commencer par une écrasante majorité des groupes politiques (à l’exception des extrêmes) au Parlement européen, où l’on l’aura (notamment) accusé de traîtrise et d’être le cheval de Troie de Vladimir POUTINE.

On le sait, sur la suggestion du Chancelier allemand, M. ORBÁN aura quitté la salle du Conseil européen au moment où l’on s’apprêtait à donner le feu vert à l’Ukraine.

Notre homme aura tout-de-même assuré à la presse de son pays qu’il restait droit dans ses bottes, qu’il n’avait ni varié ni cédé, et que c’étaient les vingt-six autres dirigeants de l’UE qui étaient partis dans une mauvaise direction, à laquelle il avait courageusement refusé d’associer la Hongrie.

Mais cette façon de procéder est-elle destinée à se poursuivre indéfiniment ?

On ne renonce pas facilement à une formule qui gagne, et M. ORBÁN le sait, qui pratique avec délectation un chantage rémunérateur, lequel permet aussi à M. POUTINE de se convaincre des vulnérabilités de l’UE et de les souligner publiquement.

Pour arracher l’abstention de fait de M. ORBÁN sur le cas de l’adhésion ukrainienne, il aura fallu préalablement débloquer dix milliards d’Euros destinés à la Hongrie, mais gelés par la Commission européenne dans l’attente d’une mise en conformité de la législation hongroise avec les principes d’un État de droit, s’agissant en particulier de la nomination des magistrats. La Commission a donc prudemment jugé qu’il y avait des signes encourageants, et a débloqué les fonds. Mais ici, personne n’est dupe de la manœuvre, peu glorieuse, il est vrai.

Et, pour répondre plus précisément à votre interrogation, oui, M. ORBÁN poursuit sur sa trajectoire : cette fois-ci, il fait savoir qu'il met son veto à l’entrée de la Bulgarie dans l’Espace Schengen, tant qu’on ne lui verse pas l’argent européen auquel il dit avoir droit.

Et, pendant ce temps, le Parlement européen, vous le citiez à l’instant, était en session plénière mensuelle à STRASBOURG

Où l’on mettait les bouchées doubles sur une affolante variété de sujets, façon inventaire à la PRÉVERT (que je vous épargne) – c’est que le temps se fait court d’ici aux élections européennes de juin, et que le nombre de plénières d’ici-là est très limité.

Alors, votre chroniqueur a surtout retenu de cette semaine parlementaire que la fin du discours de la Présidente de la Commission européenne, Ursula von der LEYEN, ait été saluée par des applaudissements, c’est normal, mais aussi par des aboiements sonores et répétés du chien qui accompagnait une personne malvoyante, présente dans la galerie des visiteurs. Le fou-rire de la Présidente du Parlement, Roberta METSOLA, s’est communiqué à l’ensemble de l’hémicycle, ou se trouvait aussi le chef du gouvernement espagnol, Pedro SÁNCHEZ, dont le sobriquet est justement Sánchez-le-Clébard.

A part ça, nombre d’eurodéputés et d’attachés parlementaires ont été pris de dérèglements gastriques après avoir bu l’eau du robinet du Parlement européen. En Alsace, en effet, mieux vaut s’en tenir à la bière et au vin.

Vous avez repéré, me disiez-vous, une nouvelle et étrange convergence – alors, de quoi s’agit-il ?

La scène se passe à ROME, à l’occasion d’une grande fête du parti de droite Fratelli d’Italia, fondé en son temps par feu Silvio BERLUSCONI.

Sous les applaudissements apparaît à la tribune Mme Giorgia MELONI, chef du gouvernement italien, flanquée par l’invité-surprise, Rishi SUNAK, Premier ministre du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord. Mieux : celui-ci s’est lancé dans un plaidoyer de fermeté absolue en matière de contrôle des flux migratoires, en raison, dit-il, de « la volonté de la Russie et d’autres de déstabiliser notre modèle social européen par l’instrumentalisation de vagues successives de migrants en service commandé ». Succès de foule garanti d’avance.

Mais, dans les faits, M. SUNAK ne peut pas vraiment se targuer d’un succès éclatant en matière d’immigration clandestine : son accord avec le Rwanda, pays destiné à recueillir les personnes renvoyées du Royaume-Uni pour cause de séjour illégal, lui aura déjà coûté en deux ans plus de 337 millions d’Euros – sans qu’un seul indésirable ait pris le chemin de l’Afrique centrale.

Comme d’habitude, quelques brèves pour conclure…

Pour commencer, la victoire incontestable aux législatives comme aux municipales, tenues en Serbie dimanche, du parti nationaliste de M. Aleksandar VUČIĆ, le Président très pro-russe de ce pays des Balkans occidentaux. Avec M. ORBÁN en Hongrie, M. FICO en Slovaquie, et la discrète ambiguïté des Autrichiens, la liste en Europe des amis de M. POUTINE se renforce d’autant.

Dans un tout autre domaine, revoilà le Qatargate qui se rappelle à notre attention, avec une nouvelle confession de M. Francesco GIORGI.

Ce compagnon de l’ancienne Vice-présidente du Parlement européen, Eva KAILI, au centre de ce cocktail de corruption et d’escroquerie, implique désormais dans le scandale une autre eurodéputée, l’Italienne Lara COMI du parti Fratelli d’Italia (encore eux), à qui il aurait remis la somme de 125.000 Euros. Personne ne s’en étonnera, Mme COMI ayant laissé derrière elle en Italie une ribambelle d’agissements délictueux, ce qui lui a notamment valu le commentaire suivant de la part d’un juge d’instruction : « En dépit de son jeune âge, Lara COMI a fait preuve d’expérience dans l’utilisation de systèmes criminels éprouvés ».

Consternant. On en reste là pour cette semaine.