La semainière de Quentin Dickinson

La semainière de Quentin Dickinson

Photo de Karollyne Videira Hubert sur Unsplash La semainière de Quentin Dickinson
Photo de Karollyne Videira Hubert sur Unsplash

Retrouvez chaque semaine la semainière de Quentin Dickinson sur euradio. L'occasion de découvrir la diplomatie et l'actualité européenne sous un nouvel angle.

Quentin Dickinson, après l’habituelle pause estivale, vous nous revenez pour ce premier bilan de l’actualité européenne au sens large…

Pour bien entamer cette rentrée, il s’agit bien entendu d’éviter la litanie complète des réunions, décisions, surprises et désenchantements en tous genres qui se sont succédés à un train d’enfer au cours de cette parenthèse estivale, laquelle n’aura vraiment pas été synonyme de vacances pour un très grand nombre d’élus et de fonctionnaires de l’Eurobulle bruxelloise, comme pour leurs interlocuteurs dans les capitales des vingt-sept États-membres de l’UE.

Alors, je vous propose un rapide survol de ce que l’on peut sans doute retenir de l’élément géopolitique dominant : la guerre en Ukraine.

Donc, par où commence-t-on ?...

Sans hésiter, par les aspects de terrain de ce conflit.

Le long de la ligne de confrontation, d’abord. En juin, il se disait que les Russes avançaient lentement, mais inexorablement, en territoire ukrainien, les forces ukrainiennes étant contraintes de se replier devant le rouleau compresseur russe. Curieusement, cette version des faits, telle que claironnée par la propagande du Kremlin, n’était pas contredite avec beaucoup de conviction par les autorités ukrainiennes.

On a compris par après le pourquoi de cette relative discrétion de KYEV : d’abord, il s’agissait d’alarmer les alliés de l’OTAN et de l’UE aux risques pour eux d’un effondrement militaire ukrainien ; en même temps, il fallait laisser les commandants de secteur russes s’enhardir au point d’accumuler les erreurs d’appréciation.

Et ces deux paris se sont révélés gagnants ?...

Absolument, car dans les deux cas, les objectifs des Ukrainiens auront été atteints : les Occidentaux ont multiplié les assurances, aussi bien sous forme de fournitures militaires que par une présence accrue de leurs moyens aériens, basés dans les pays voisins de l’Ukraine. Et, sur le front, les Ukrainiens sont parvenus à inverser la dynamique, étant parvenus à plusieurs reprises à encercler les unités russes qui s’étaient imprudemment avancées.

Mais au-delà de ces aspects techniques, il y a peut-être des enseignements plus globaux de ce que l’on peut désormais qualifier de guerre européenne…

Vous avez raison. Ce conflit fournit une masse considérable de renseignements, précis et précieux, aux états-majors militaires de tous les pays du monde ainsi qu’à leurs industries de défense. Ainsi, même si les chars d’assaut et l’infanterie demeurent incontournables pour l’occupation d’un terrain conquis ou repris, la révélation de la multiplicité des rôles désormais confiés aux drones souligne les avantages de ceux-ci par rapport aux bombardiers et chasseurs de l’aéronautique militaire traditionnelle.

D’autre part, les armes à énergie dirigée font actuellement l’objet de mises en service expérimentales au sein des forces ukrainiennes. Cette famille d’armes très mobiles, officiellement dénommées effecteurs (retenez ce nom), comprend principalement les canons laser, mais aussi les canons au plasma, voire les diffuseurs de son à haute intensité. Nombreux sont les pays qui poursuivent activement la recherche et le développement de ces effecteurs ; mais c’est un industriel australien qui vient, la semaine dernière, de vendre à un pays de l’OTAN le tout premier système complet du genre à être commercialisé.

Les prochains conflits (et ceux déjà en cours) devraient donc se caractériser par un affrontement entre nuées de drones et contre-mesures laser. Plus rapides, sans présence humaine embarquée, autoprogrammables, et infiniment moins chers.

La guerre en Ukraine est donc un laboratoire en temps réel ?...

Oui, mais au prix, ne l’oublions pas, d’indicibles souffrances humaines et de destructions à une échelle oubliée en Europe depuis quatre-vingts ans.

Toujours est-il que les Européens fournissent armes et munitions aux Ukrainiens, et que ceux-ci en retour nous montrent comment les améliorer (et les dépanner sous le feu ennemi) – un retour d’expérience inestimable.

Un entretien réalisé par Laurence Aubron. 

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