La semainière de Quentin Dickinson

La semainière de Quentin Dickinson

© Corinne Cumming / EBU La semainière de Quentin Dickinson
© Corinne Cumming / EBU

Retrouvez chaque semaine la semainière de Quentin Dickinson sur euradio. L'occasion de découvrir la diplomatie et l'actualité européenne sous un nouvel angle.

Alors, Quentin Dickinson, avez-vous passé une bonne semaine ?...

… une semaine où la Fête de l’Europe et une vague de congés scolaires dans nombre de pays de l’UE n’auront en rien freiné une activité politique, économique, militaire, et culturelle particulièrement frénétique

Commençons par les élections en Catalogne. Très attendu, ce scrutin révèle une perte d’influence majeure des quatre partis prônant l’indépendance de cette province espagnole -et le retour en faveur des socialistes. Cependant, une certaine prudence s’impose : le chef de file des indépendantistes, Carles PUIGDEMONT, se voit déjà présider le gouvernement régional, en brandissant curieusement une menace sur le mode ‘C’est moi président - ou je prends ma retraite politique’. A MADRID, cela ne fait pas vraiment sourire, étant donné qu’aux Cortes, le parlement national, son parti est un soutien indispensable du gouvernement socialiste.

Élections en Croatie, également…

Ici, c’est le centre-droit qui l’emporte, mais qui lorgne aussi sur la constitution d’un gouvernement de coalition avec un parti un peu plus à droite, ce qui a ouvert au niveau de la campagne des européennes, loin de ZAGREB, un affrontement terminologico-politicien sur les distinctions à faire (ou à ne pas faire) entre les appellations d’extrême-droite ou de droite dure, de parti national ou de parti nationaliste. L’initiative de cette querelle byzantine revient aux partis de gauche, très attachés à démontrer que les partis de la droite classique s’apprêtent à souper avec le diable.

Et vous dites que cet argument de campagne n’est pas sans effet sur la candidature de la Présidente de la Commission européenne, Ursula von der LEYEN, à sa propre succession, c’est cela ?...

En effet. Les sondages restent les sondages, et, à trois semaines des élections européennes, tout est évidemment encore possible. Mais il semblerait que les trois grands groupes au Parlement européen, qui le dominent depuis que l’institution existe, soient tous trois en perte de popularité – or, pour être adoubée, Mme von der LEYEN a absolument besoin d’une majorité en session plénière, et donc des voix du groupe de la droite classique (le PPE), de celui des socialistes (le S&D), et de celui des centristes-libéraux (de Renew Europe) – tout se jouera donc probablement à une poignée de voix près. Et la PPE von der LEYEN ne refusera certainement pas celles de quelques élus… plus à droite qu’elle.

En attendant, un homme scrute son avenir : c’est l’ancien Président de la Banque centrale européenne, Mario DRAGHI (vous le connaissez, c’est sa signature qui figure sur les billets de banque en Euros). Or, M. DRAGHI peut se trouver à la fois candidat sérieux à la présidence du Conseil européen des chefs d’État et de gouvernement, et recours en cas de naufrage de la candidature de Mme von der LEYEN à la présidence de la Commission européenne. On a connu des dilemmes plus douloureux.

Le week-end dernier aura vu des manifestions massives en Géorgie, Quentin Dickinson…

Ce petit État ex-soviétique sur les bords de la Mer noire aspire à rejoindre l’Union européenne.

Mais le parti au pouvoir, poétiquement baptisé Le Rêve géorgien, est en réalité sous l’influence occulte d’un oligarque pro-russe ; et, en ce moment, le gouvernement s’apprête à faire adopter une loi restreignant considérablement la liberté d’expression, copie conforme d’un texte en vigueur en Russie voisine. D’où les défilés et autres manifestations de masse ces derniers temps dans le centre de la capitale, TBILISSI, où les drapeaux nationaux voisinaient avec le drapeau européen. La Présidente de la République de Géorgie, Salomé ZOURABICHVILI, entend s’opposer à la promulgation de la loi, mais ses moyens constitutionnels sont limités.

Et le gouvernement d’un autre pays, celui-ci déjà membre de l’UE, s’engage dans la même voie…

Ce pays, c’est la Slovaquie, où le Président-élu, le nationaliste pro-russe et anti-ukrainien Robert FICO, entend resserrer l’étau de l’État sur les médias, à l’image de son voisin hongrois, Viktor ORBÁN. Première étape : la révocation du Directeur général de la radio-télévision de service public et son remplacement par un affidé de M. FICO, dont la rumeur qui court à BRATISLAVA veut qu’il est persuadé que la terre est un disque plat. Les gens sont méchants.

Et pour conclure ce tour d’Europe, Quentin Dickinson ?...

Vous pensiez que vous alliez échapper à un couplet sur la finale, samedi dernier à MALMÖ, du Concours Eurovision de la Chanson – eh bien, c’est raté. La ville côtière suédoise est abonnée aux manifestations sans rapport aucun avec la Suède, mais elle aura été cette fois-ci servie bien au-delà des prévisions de la municipalité.

Se sont entremêlés plusieurs jours durant les pro-palestiniens protestant contre la présence d’une concurrente israélienne (elle finira cinquième) ; les écologistes (dont la régionale de l’étape Greta THUNBERG), venus dénoncer la débauche de moyens techniques forcément écocides ; et les militants LGBTIX heureux de l’occasion de s’exprimer, d’autant que c’est un non-binaire suisse qui a remporté ce Grand Prix Eurovision devant 160 millions de téléspectateurs, qui ont vu Nemo, c’est son nom, manier si maladroitement le trophée de verre qu’on lui remettait que la sculpture s’est brisée. La Suisse, un (mauvais) point. Et à l’organisation organisatrice du concours, l’Union européenne de Radio-télévision, un très mauvais point pour avoir interdit l’entrée de la salle à tout spectateur porteur d’un drapeau européen. La Commission européenne est furieuse et exige des explications.

Je ne manquerai pas de vous tenir instruite des suites de cette injure faite à un juste combat – en pleine campagne des élections européennes. Mais avouez : le drapeau européen brandi en Géorgie, mais banni en Suède, le monde est quand même un peu fou.

Entretien réalisé par Laurence Aubron.