La semainière de Quentin Dickinson

La semainière de Quentin Dickinson

© Manolo Gómez de Flickr La semainière de Quentin Dickinson
© Manolo Gómez de Flickr

Retrouvez chaque semaine la semainière de Quentin Dickinson sur euradio. L'occasion de découvrir la diplomatie et l'actualité européenne sous un nouvel angle.

Exceptionnellement, QD, vous allez cette semaine nous faire effectuer un retour en arrière de quarante ans…

Le 14 juin 1985, les ministres chargés des Affaires européennes de cinq pays se réunissaient à bord du bateau-mouche Princesse Marie-Astrid, battant pavillon luxembourgeois, afin de parapher un accord. Ces cinq pays étaient tous membres de la Communauté économique européenne, prédécesseur de l’Union européenne actuelle. Ils faisaient figure d’avant-garde, les cinq autres membres de la CEE de l’époque étant restés à l’écart.

Je me souviens qu’il faisait une chaleur torride, et que les officiels, vêtus de complets-veston sombres, transpiraient à grosses gouttes, car, en ces temps-là, on ne tombait pas la veste – seule la secrétaire d’État française, l’élégante Catherine LALUMIÈRE, avait prévu une robe d’été. Il faut dire aussi qu’elle était la seule femme signataire.

Le lieu choisi était un village inconnu, situé au pied de vignobles sur la rive luxembourgeoise de la Moselle ; en face, c’est l’Allemagne, à cent cinquante mètres au sud, c’est la France.

Ce jour-là, il y a quarante ans, ce village : SCHENGEN, est entré dans l’Histoire. Car, en dépit de retards et d’obstacles qui allaient devoir être contrés pendant plus de cinq ans encore, c’est bien ici qu’a débuté la libre circulation des personnes dans l’espace européen, l’une des quatre libertés fondamentales de l’UE, avec celles des marchandises, des services, et des capitaux.

Pourtant, le jour-même, l’événement est passé presque inaperçu : seuls les secrétaires d’État avaient été délégués par leurs gouvernements respectifs, et, du côté des médias, nous ne devions pas être plus d’une petite vingtaine de journalistes présents.

Comme souvent quand il s’agit de l’édification institutionnelle de l’Europe, on ne se rend compte de l’importance d’une étape que bien après.

Merci, QD, mais revenons maintenant à l’Union européenne d’aujourd’hui – qu’avez-vous à nous signaler de ces jours derniers ?...

Vous vous souviendrez sans aucun doute de la panne généralisée d’électricité qui a frappé l’Espagne et le Portugal à la fin du mois d’avril de cette année. La raison en aura été la faiblesse chronique de la liaison des réseaux électriques entre la péninsule ibérique et le reste de l’Europe, faiblesse souvent dénoncée mais peu améliorée.

Or, cette fois-ci, les choses commencent à bouger – au moins du point de vue du financement. La Banque européenne d’Investissement, la BEI, vient d’accorder 1 milliard 600 millions d'Euros à la construction d’une interconnexion de 400 kilomètres (dont les trois-quarts sous le Golfe de Gascogne) entre l’Espagne et la France. Ce lien permettra de presque doubler la capacité d’échanges transpyrénéens. La contribution de la BEI s’ajoute aux 578 millions d’Euros prévus par la Commission européenne.

Pour ceux qui s’intéressent à la technique, sachez que les réseaux français et espagnols en courant alternatif seront reliés par une ligne sous-marine en courant continu, la conversion étant opérée par les stations de CUBNEZAIS en France et de GATIKA en Espagne.

Plus près de votre base à BRUXELLES, QD, vous êtes allé vous promener à la Gare du Midi de cette capitale européenne, et vous y avez constaté une bien étrange activité…

…une activité fébrile, pour tout dire : les agents du consortium ferroviaire EUROSTAR interceptent les (nombreux) voyageurs au départ vers LONDRES en leur enjoignant de se débarrasser sans tarder de tout produit laitier ou contenant de la viande, avant de se présenter au contrôle d’accès aux trains. Les contrevenants risquent des amendes allant jusqu’à cinq mille Euros.

La raison : depuis un mois, les autorités britanniques interdisent l’importation de ces produits en provenance de l’UE, car on redoute Outre-Manche une recrudescence de la fièvre aphteuse, qui aura coûté à l’État et aux éleveurs britanniques la bagatelle de huit milliards d’Euros lors de la dernière épizootie, il y a vingt-quatre ans.

Or, des foyers de fièvre aphteuse sont apparus récemment en Allemagne, en Hongrie, et en Slovaquie (toute conclusion politique serait évidemment prématurée).

Non, vraiment, on ne voit pas bien ce que vous voulez inférer par là – bon, une brève peut-être pour conclure ?...

…une brève pour se réjouir de ce que la Présidente du Parlement européen, l’habilement constructive finno-maltaise Roberta METSOLA, ait décidé de rester à ce poste jusqu’à la fin de son mandat, alors que, classée personnalité politique la plus populaire de Malte, le chaos actuel au sein de son parti politique lui aurait permis sans difficulté d’en prendre la présidence et de guigner par la suite le poste de Premier ministre.

On connaît peu d’élus capables d’un aussi noble renoncement. Mais gageons que, pour Roberta METSOLA, ce n’est que partie remise.

Et le reste n’est que politique.

Un entretien réalisé par Laurent Pététin

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