Retrouvez chaque semaine l'édito de Quentin Dickinson sur euradio. L'occasion de découvrir la diplomatie et l'actualité européenne sous un nouvel angle.
Alors, QD, avez-vous passé une bonne semaine ?...
Cela aura été une semaine débordante d’événements de première importance pour les Européens – alors, allons-y sans davantage tarder.
Aux Pays-Bas, s’agissant de la claire victoire (en nombre de sièges) du PVV, parti dit pour la liberté – en fait d’extrême-droite – il convient surtout de rester circonspect, et d’éviter de se joindre à la cohorte de cassandres catastrophistes (et généralement experts de fraîche date de la politique intérieure néerlandaise). Car le chef du PVV, M. Geert WILDERS, n’est pas encore chef de gouvernement, pas plus que les Pays-Bas ne se retirent de l’Union européenne, ni que les Musulmans soient tous expulsés du pays. C’est que le système électoral y est dépourvu de seuil d’accès au parlement en pourcentage des votes exprimés, ce qui conduit à la représentation d’un nombre élevé de partis – et donc, à de multiples combinaisons possibles pour former l’inévitable gouvernement de coalition. Le scrutin aura été particulièrement défavorable au parti libéral VVD – pourtant favori des sondages – en raison d’un mauvais positionnement au cours de la campagne : pensant faire pièce à M. WILDERS en axant l’argumentaire sur l’immigration, le VVD a été pris de court en s’apercevant que son adversaire ne faisait campagne que sur le coût de la vie. D’autre part, le Premier ministre VVD, M. Mark RUTTE, étant resté au pouvoir depuis treize ans, on conçoit que les électeurs aient eu envie de tourner la page libérale-centriste.
La faiblesse de la droite démocrate-chrétienne ne s’étant pas démentie, nombreux ont été les électeurs déçus à s’être portés sur M. WILDERS et ses amis, ce qui ne doit surtout pas être compris comme une adhésion générale aux idées qu’il professe depuis deux décennies. Attendons donc la fin du travail de prospection de l’éclaireur interpartis, chargé d’identifier toutes les formules de coalition envisageables.
Loin de l’Europe, l’élection présidentielle en Argentine peut toutefois avoir des répercussions pour l’UE ?...
...pour l’UE, qui se trouve dans la phase finale de la négociation avec le Mercosur, ce marché commun d’une dizaine de pays d’Amérique latine, en vue d’un large accord commercial. Or, le président-élu argentin, M. Javier MILEI, prône la sortie de son pays du Mercosur, dont l’Argentine est pourtant l’un des piliers, et veut torpiller tout accord avec l’Union européenne.
Dans un tout autre domaine, le gouvernement fédéral allemand se trouve en difficulté…
…et même en difficulté aussi grave qu’imprévue. Le programme de gouvernement des trois partis de la coalition sociale-démocrate–libérale–verte contenait un engagement formel, en vertu duquel toute somme, destinée initialement à atténuer les conséquences de la pandémie de COVID-19, mais qui n’aurait pas été dépensée, irait alimenter un fonds de lutte contre les effets du dérèglement climatique. Or, coup de tonnerre, la Cour constitutionnelle vient de déclarer anticonstitutionnelle ce glissement budgétaire.
Le montant en cause dépassant les soixante milliards d’Euros, c’est la crédibilité, voire la survie de l’équipe du Chancelier SCHOLZ qui se joue ces jours-ci.
Autre chose, un important règlement européen vient d’être adopté, c’est cela ?...
En gestation depuis deux ans, cette loi européenne dote l’UE d’un véritable arsenal anti-coercition. De quoi s’agit-il ? Souvenez-vous : au début de 2022, la Chine avait voulu punir la petite Lituanie d’avoir autorisé Taïwan à ouvrir une représentation diplomatique à VILNIUS. Tout y est passé : arrêt de tout commerce entre Chinois et Lituaniens, interdiction de l’importation en Chine de produits à composants lituaniens, et d’autres amabilités encore. Mais les conséquences allaient bien au-delà, puisque ces mesures attaquaient indirectement le grand marché unique européen, d’où la plainte auprès de l’Organisation mondiale du Commerce introduite par la Commission européenne, à laquelle se sont joints les États-Unis, le Japon, le Royaume-Uni, l’Australie, le Canada…et Taïwan.
La nouvelle loi européenne instaure toute une batterie de mesures de rétorsion contre tout État tiers qui voudrait soumettre un pays-membre de l’UE à une pression économique. Dans l’arsenal, on trouve (notamment) l’imposition de droits de douane et de licences d’importation, l’interdiction de participer aux marchés publics, ou encore l’exclusion des programmes de l’UE.
Il faut saluer cette fermeté nouvelle des Européens dans la défense de leurs intérêts et de leur souveraineté économiques…tout en regrettant qu’elle ait mis aussi longtemps à éclore.
Un virulent et bien étrange échange d’invectives a eu lieu entre Israël et l’Irlande, je crois. Expliquez-nous ça…
La jeune Emily HAND a fêté, si l’on peut dire, son neuvième anniversaire en otage aux mains des terroristes du Hamas. Elle vient d’être libérée par ceux-ci, au grand soulagement de son père, Tom, ressortissant irlandais. Mais, atteint d’une rare inspiration poétique, le Premier ministre de la République d’Irlande s’est félicité de la bonne nouvelle en citant la parabole du retour du Fils prodigue, ce qui ne s’appliquait que très maladroitement au calvaire de la jeune Emily. D’où un torrent d’injures à son endroit de tout ce qu’Israël compte d’officiels. M. Leo VARADKAR, c’est le nom du fautif, dont les intentions sincères ne sont pas en doute, devra s’engager à une lecture plus assidue de l’Évangile selon Saint Luc.
Alors, j’aurais voulu encore vous parler de la Semaine de l’Hydrogène ; de l’inauguration au Parlement européen à STRASBOURG du nouvel immeuble Simone-Veil ; ou de Bill GATES, surpris dans les égouts de BRUXELLES – mais le temps nous étant compté, je vous rends donc l’antenne.
Un entretien réalisé par Laurence Aubron.