Retrouvez chaque semaine la semainière de Quentin Dickinson sur euradio. L'occasion de découvrir la diplomatie et l'actualité européenne sous un nouvel angle.
Alors, QD, avez-vous passé une bonne semaine ?
Si le terme n’était devenu à ce point bradé, je dirais que la semaine écoulée aura été historique – plus modestement, qu’il suffise de dire que les sept premiers jours de l’année permettent de prédire que l’Europe et le reste du monde auront fondamentalement changé au cours des douze mois à venir.
En quoi, précisément ?
D’abord, parce que 2024 sera un millésime méga-électoral sur tous les continents : aux États-Unis et en Russie, à Taïwan et au Mexique, en Iran et en Corée du Nord, en Indonésie et en Biélorussie – en tout, dans une soixantaine d’États, c’est-à-dire englobant à peu près la moitié de la population de la planète, ce qui est sans précédent, même si l’on considère que cet alignement des calendriers électoraux n’est que l’effet d’un cycle de probabilité.
Et l’Europe n’échappe pas à cette tendance
En effet. La Finlande ouvre la série les 28 janvier et le 11 février, pour les deux tours de la présidentielle, suivie de législatives au Portugal, en Lituanie, en Belgique, et en Autriche. Le rendez-vous le plus scruté sera incontestablement celui des élections au Parlement européen, qui se tiendront, on le sait, du 6 au 9 juin, selon la tradition propre à chacun des différents pays de l’UE.
Au niveau mondial, où l’on constate qu’environ 44 % des hommes et des femmes vivent sous un régime autoritaire, voire franchement dictatorial, on peut redouter – à lire les sondages – que ces régimes, à coups de désinformation, d’intimidation, et de fraude, parviennent à consolider leur emprise.
En Occident au sens large, dans nos démocraties parlementaires, qui ont ces dernières années cessé d’être un modèle exportable, la manipulation de l’information et la pusillanimité de dirigeants modérés fait la part belle à l’extrême-gauche nihiliste et à l’extrême-droite autoritariste.
2024 promet donc d’être le moment d’une fondamentale redéfinition géopolitique de la planète.
Le 1er janvier marque le changement à la tête de plusieurs organismes européens ou internationaux
Où des pays européens se distinguent : ainsi, l’Italie prend-elle la présidence du G7, pendant que la Slovénie devient, pendant un an également, membre non-permanent du Conseil de Sécurité des Nations-Unies.
Mais, plus près de nous, la présidence semestrielle tournante du Conseil des ministres de l’Union européenne revient à la Belgique. Le semestre vers la fin duquel se tiennent les élections européennes est le plus délicat à diriger, vu que l’on ne dispose en gros que de trois mois pour arracher des compromis, puisque la dernière session du Parlement européen de l’actuelle législature se tient en avril.
Au moment où nous échangeons, il subsiste selon mes calculs environ 150 dossiers en cours, dont – évidemment – le plus grand nombre ne pourra être bouclé dans les délais. Les plus lourds à manier, ce sont les dossiers de la discipline budgétaire des vingt-sept États-membres, ainsi que de la révision à mi-parcours du budget pluriannuel 2021-2027, qui comporte notamment l’aide à l’Ukraine. Il faudra aussi définir les priorités des cinq prochaines années, dont un éventuel élargissement à trente pays-membres ou davantage, ce qui est inenvisageable sans une refonte institutionnelle majeure de l’UE.
Mais on peut faire confiance aux Belges, dont c’est la treizième fois qu’ils exercent cette présidence.
Mais il s’est déjà produit un imprévu.
Et de taille. Charles MICHEL, Président du Conseil européen des chefs d’État et de gouvernement, en exercice théoriquement jusque vers la fin de l’année, vient d’annoncer qu’il sera candidat aux européennes, et qu’il quittera son poste actuel dès son élection. Voici qui laisse très peu de temps auxdits chefs d’État et de gouvernement pour lui trouver un successeur avant le 1er juillet, date à laquelle débute la prochaine présidence semestrielle, qui revient – horreur ! – à la Hongrie. Mieux (si l’on peut dire) : si aucun choix n’est fait dans les délais, c’est Victor ORBÁN qui présidera en personne les Sommets européens pendant cette période hyper-délicate de la nomination des principaux dirigeants des instances de l’UE – autant demander directement à Vladimir POUTINE de tenir ce rôle.
On peut se demander ce qu’en aurait pensé Jacques DELORS, qui nous a quitté le 27 décembre à l’âge de 98 ans…
En tout cas, cette épreuve lui aura été épargnée. Tout ayant déjà été dit dès l’annonce de sa disparition, je souhaite simplement ne pas en rajouter, si ce n’est pour dire que j’ai eu le privilège formidable de l’avoir fréquenté très régulièrement, lui et ses deux proches collaborateurs, Pascal LAMY et Jean-Pierre JOUYET, tout au long de ses dix années à la présidence de la Commission européenne, de 1985 à 1995. C’est peut-être le souvenir de ce temps-là qui me rend à l’occasion sévère avec ses successeurs.
Dans un autre registre, un autre acteur de premier plan de la scène européenne annonce son départ-surprise, c’est cela ?...
Il s’agit de Margrethe II, Reine de Danemark, qui, depuis la mort de la Reine d’Angleterre, était le monarque au règne le plus long du monde. Elle passera la main le 14 janvier, jour anniversaire de son couronnement, il y a cinquante-deux ans. La Maison royale de SCHLESWIG-HOLSTEIN-SOENDERBOURG-GLÜCKSBOURG remonte à Gorm l’Ancien, Roi de Danemark au Xe siècle. Ayant succédé à son père, Frederik IX, la Reine Margrethe cède son trône à son fils aîné, qui devrait régner sous le nom de Frederik X.
Autre chose à signaler dans l’actualité ?
Oui, les trente ans de l’Espace économique européen, cette association peu connue de la Norvège, de l’Islande, et du Liechtenstein avec l’Union européenne.
Ces accords assurent à ces trois pays non-membres de l’UE, et à la satisfaction générale de tous, les quatre libertés de mouvement (des personnes, des marchandises, des capitaux, et des services) ainsi que d’autres collaborations avec l’UE ; mais, évidemment, sans voix au chapitre à BRUXELLES.