3 minutes pour une œuvre

Fait de Sophie Ristelhueber - 3 minutes pour une œuvre

Fait de Sophie Ristelhueber - 3 minutes pour une œuvre

Fait consiste en un ensemble de 71 photographies de la guerre du Koweït, aériennes comme terrestres.

L’été 1991, Sophie Ristelhueber s’intéresse à la Guerre du Golfe, 6 mois après l’événement. Loin d’une démarche journalistique ou de reporter, elle s’y rend en artiste. Gardant une certaine distance critique avec le conflit -dont elle décrit l’enjeu principal comme étant le pétrole-, elle s’intéresse bien plus aux conséquences et cicatrices laissées par le conflit sur la Terre.

Elle s’inspire d’ « Élevage de poussière », une photographie prise en 1920 par Man Ray d’un véritable «élevage» de poussière sur sur le "Grand Verre", la célèbre œuvre de Marcel Duchamp. Cette photographie ressemblant à s’y méprendre aux vues satellites des ruines de Palmyre -ville antique de Syrie détruite par Daech-. Elle s’appuiera sur cette perte de repères entre petit et grand pour réaliser Fait.

Fait, c’est très particulier : un ensemble important de photographies représentant des étendues balafrées de lignes mystérieuses, on se demande si elles sont gigantesques, petites ou minuscules. Mais leur origine ne fait aucun doute : ce sont les cicatrices du désert, les conséquences et séquelles de quelque chose qui est passé. Ces blessures se nourrissent de la réalité, mais c’est en même temps une réalité que les reporters ne perçoivent pas. Nous avons des moyens modernes pour tout appréhender : les caméras, les télescopes, l’imagerie satellite... Mais pour Sophie Ristelhueber, au final, nous ne voyons rien. Au travers de cette approche singulière, elle nous donne accès à une autre vision des choses, plus en retrait de la réalité, plus méditative : une vision à laquelle on n’a pas accès au travers des médias et reportages sur ces mêmes sujets. Dans Fait #20, une ligne scinde une surface brunâtre. Des cratères de petite taille nous interrogent sur leur origine : sont-ce des fourmis et un trait tracé sur le sol au bâton, ou des tranchées parsemées d’impacts d’explosions ? A sa gauche, des traces noires, un relief indiscernable ressort de cet amas. C’est Fait #31. Plus bas, c’est Fait #47 : des points noirs nous happent, ou seraient-ce des chars ?

Arriver à ce résultat n’est pas anodin.

Née le 21 octobre 1949 à Paris, Sophie Ristelhueber suit un cursus littéraire à la Sorbonne avant de se lancer dans le journalisme et l’édition pour le magazine « Zoom »…