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Blocage du Canal de Suez: quel(s) impact(s)? - L'éco de Marc Tempelman

Blocage du Canal de Suez: quel(s) impact(s)? - L'éco de Marc Tempelman

Nous accueillons Marc Tempelman, un des co-fondateurs de la FinTech Cashbee, qui aide les Européens à épargner plus et mieux. Nous discutons toutes les semaines de finance. 

Cette semaine, avec Marc Tempelman nous parlons du Canal de Suez, resté bloqué plusieurs jours par un navire marchand. Ce blocage d’une des artères principales du trafic maritime a eu un impact à l’échelle mondiale.

Oui, vous avez sans doute vu la photo de ce navire qui s’est échoué sur une des rives du Canal de Suez. On fait tous des erreurs, mais celle dont les effets sont visibles depuis l’espace sont suffisamment rare pour que nous en parlions. En se focalisant sur les impacts que cette boulette a eu sur l’économie mondiale bien sûr.

Très bien. Alors justement, quelle importance a le Canal du Suez pour le commerce international ?

Depuis son inauguration en 1869, le Canal de Suez n’a cessé de prendre de l’importance pour l’économie mondiale. Pour rappel, il relie l’Europe à l’Asie sans obliger les navires à contourner le continent Africain, réduisant ainsi le trajet à parcourir de 7000 kilomètres. Son existence fait gagner une dizaine de jours et permet conserver beaucoup de fuel aux transporteurs. Pour vous illustrer son importance en un chiffre, 12% du volume du commerce international passe aujourd’hui par le canal. 

Ce qui s’explique par la forte croissance des économies asiatiques d’une part, et la forte demande des Européens pour les biens produits en Chine, d’autre part.

Et j’imagine que la croissance du volume d’échange international a sans doute contribué au l’augmentation de la taille des navires empruntant le Canal de Suez ?

Exactement. Pour satisfaire la demande aux deux bouts de la chaîne, les armateurs ont trouvé la solution : augmenter la taille de leurs navires, afin de faire passer plus de marchandises, sans augmenter le nombre de bateaux à faire passer par le canal.

Le Ever Given, le bateau encastré, se distingue par son gigantisme. Il fait 400 m de long et 59 m de large, soit l’équivalent de 4 terrains de foot. Surtout, à lui seul, il transporte plus de 200 tonnes de marchandises. 

Vous dites que cet accident a eu des répercussions à l’échelle mondiale. Commençons peut-être par les impacts directs.

Très bien. Commençons par l’Égypte. Le pays prélève une commission à tout navire qui emprunte le Canal de Suez. Celle-ci peut atteindre jusqu’à 700 000 dollars pour les géants comme le Ever Given. Au rythme de 50 bateaux par jour, un arrêt du trafic pendant deux semaines représente donc un manque à gagner plusieurs centaines de millions de dollars. 

L’embouteillage monstre a également eu un impact sur le coût du transport de biens entre l’Europe et l’Asie, qui a plus que doublé.

Enfin, sur le plan mondial, le blocage a joué sur le prix du pétrole qui a augmenté pour dépasser à nouveau la barre de 60 dollars par baril. En effet, même si l’Europe et l’Asie sont aujourd’hui moins dépendantes du Canal de Suez pour leurs approvisionnements en pétrole, 10% du pétrole mondial y transite toujours.

Je comprends que l’interruption du trafic a également eu des effets indirects sur l’économie mondiale

Tout à fait. La mondialisation et la gestion en flux tendus fait que des chaînes de production aux Etats-Unis ou en Europe peuvent être mises à l’arrêt, si certaines pièces fabriquées en Asie n’arrivent pas à temps. Par conséquent, d’autres secteurs auxquels on pense probablement moins ont aussi été impactés. 

La chaine Ikea évalue toutes les alternatives possibles pour pouvoir continuer à proposer l’ensemble de ses modèles à sa clientèle. Le fabricant de bulldozers Caterpillar a décidé de transporter certaines pièces produites en Inde aux Etats-Unis par avion, afin d’éviter la mise à l’arrêt forcé de ses usines américains. Ce qui renchérit considérablement ses coûts de production.

De façon plus prosaïque, un grand nombre de livraisons de commandes Amazon accuseront un retard notable.

La société d’assureur Lloyd’s estime que le blocage du canal coûte 400 millions de dollars… par heure.

En termes financiers et pour l’épargnant individuel, quelles leçons sont à retenir ?

Probablement au moins trois choses.

Premièrement, cet accident souligne qu’on ne peut pas tout prévoir. Lorsqu’on investit, on peut faire toutes les analyses possibles avant de placer son argent, mais il faut reconnaître qu’il est impossible de prédire l’avenir et de connaître et se préparer à tous les risques potentiels.

Deuxièmement qu’il est important de savoir faire la différence entre des incidents passagers et des changements profonds.

Le blocage du Canal de Suez n’est, a priori, qu’une affaire de temps. Le Ever Given sera délogé et le trafic devrait reprendre dans les jours à venir. L’affaire est certes gênante à court terme, mais ne changera pas à elle seule l’évolution de l’économie mondiale. Il ne devrait donc pas déclencher à lui seul une réorientation fondamentale des portefeuilles d’investissement.

Enfin, l’importance de la diversification. La meilleure défense contre les imprévus reste la diversification. En mettant vos œufs dans de nombreux paniers différents, vous pouvez vous permettre d’accuser une perte pour l’un d’entre eux, compensé par les gains réalisés sur les autres. Le blocage du canal a causé des problèmes d’approvisionnement ponctuels de Caterpillar et Ikea, mais aussi de la hausse des bénéfices des transporteurs maritimes comme la société Maersk par exemple.

Interview réalisée par Laurence Aubron

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© Gwydion M. Williams, CC BY 2.0