Nous accueillons Marc Tempelman, un des co-fondateurs de la FinTech Cashbee, qui aide les Européens à épargner plus et mieux. Nous discutons toutes les semaines de finance. Au programme cette semaine: les élections présidentielles américaines.
Sans surprises, je vous propose de parler des récentes élections présidentielles aux US et plus spécifiquement de l’impact de celles-ci sur les marchés financiers. C’est un très bel exemple d’un évènement majeur qui a produit un résultat initialement inattendu. Il me semblait intéressant d’en analyser l’impact.
Oui, il est vrai que les instituts de sondage avaient prévu une grande victoire démocrate, n’est-ce pas ?
Exactement. Il y a quelques mois, quand Joe Biden est devenu le candidat Démocrate aux élections, il était rapidement devenu le grand favori dans la course à la Maison Blanche. Plusieurs instituts de sondage lui accordaient une avance de 7% pourcents ou plus. En outre, il semblait clair que son partie, les Démocrates allaient obtenir la majorité du Sénat et préserver celui de la chambre des représentants.
Dans ce scénario central, le président entrant Biden allait avoir le soutien des deux autres branches du gouvernement américain et donc avoir les mains libres pour imposer son plan de relance économique massif.
Très bien, et dans ce scénario théorique, quelles conséquences pour les marchés financiers ?
Eh bien, ce scénario était tellement anticipé de façon quasi-consensuelle, que les traders lui ont donné un nom : the Blue Wave Reflation Trade, ou le scénario de la relance de la vague bleue.
Qui se serait traduit par d’importantes dépenses de relance, creusant le déficit budgétaire. Pour financer ces dépenses massives, la dette des Etats-Unis se serait fortement accrue, ce qui aurait probablement stimulé une hausse de l’inflation. Cela implique aussi une hausse des taux longs et un affaiblissement de la devise. Enfin, ce plan soutiendrait l’économie avec une injection massive de liquidité et aurait donc été favorable aux cours des actions américaines.
Mais nous savons aujourd’hui que les résultats étaient bien plus serrés que prévus et surtout que le Sénat est resté entre les mains des Républicains. Et c’est bien cela qui a surpris les financiers n’est-ce pas ?
Oui exactement, parce que cela menotte le nouveau président, qui devra composer avec un Sénat républicain, hostile aux grosses dépenses, et qui ne lui laissera sans doute pas dépenser et stimuler l’économie selon ses intentions initiales.
Ce qui change évidemment complètement le scénario économique attendu. Plus besoin de s’inquiéter d’une forte hausse des taux d’intérêts et d’une remontée massive de l’inflation. Cela a logiquement produit une réaction immédiate sur les marchés.
J’imagine que les réactions sont d’autant plus violentes quand de nombreux traders décident en même temps de changer de stratégie. De ce cas précis quelles ont été les conséquences ?
Vous avez raison. Commençons par le marché obligataire. Dans les semaines précédant le vote, le rendement de l’emprunt d’état américain à 10 ans a beaucoup monté pour atteindre 0,92%. Le mercredi 4 novembre, il s’est écroulé en moins de 24 heures pour tomber sous la barre de 0,75%. Cette baisse reflète bien la forte baisse de la crainte de l’inflation.
Mais en même temps j’ai observé que les cours de bourse ont monté dans les jours suivants les élections. Comment pouvez-vous l’expliquer ?
Oui, l’indice Dow Jones s’est adjugé 7% durant la semaine des élections.
Mais cette hausse a été très segmentée. Le secteur bancaire, affecté par la baisse des taux, a fortement souffert. En revanche, les leaders technologiques comme Facebook, Apple, Amazon, Netflix et Alphabet (le fameuses FAANGs) ont vu leurs actions s’envoler à nouveau, signalant un « retour à la normale », car c’était déjà elles qui tiraient la bourse américaine dans son ensemble.
Pour conclure, qu’est que nos auditeurs doivent retenir de tout cela ?
Premièrement, et je dis une évidence, cette l’issue initialement tendue et surprenante des élections nous rappelle que l’évolution des marchés est impossible à prédire de jour en jour, de minute en minute. Il est donc très compliqué voire impossible de gérer son épargne en fonction d’un évènement unique, comme une élection présidentielle par exemple, en essayant d’en prédire le résultat. Cela s’apparente à faire des paris ou jouer à la roulette.
En revanche, cet évènement nous montre aussi que si les marchés peuvent évoluer de façon brutale à court terme, ils sont aussi enclins de retourner vers leurs tendances de fond sur des durées plus longues.
Donc oui, pour placer son argent de façon réfléchie, il faut s’informer de l’actualité, mais plus pour identifier des tendances longues, plutôt que dans le but de faire des coups en jouant sur l’issue de tel ou tel évènement, dont certains marcheront et d’autres pas.
crédits photo: Lorenzo Cafaro