Cette semaine, avec Marc Tempelman nous parlons du boom économique qui pourrait accompagner la sortie de la pandémie.
Oui, suite aux récentes annonces d’un dé-confinement progressif et avec un taux de vaccination qui grimpe continuellement, nous sommes de plus en plus nombreux à voir le verre à moitié plein et à se projeter dans un monde post-pandémie. Je pensais qu’il était intéressant de parler de ce que cette sortie de crise pourrait avoir comme conséquences économiques.
Très bien. J’ai utilisé le terme d’un potentiel boom économique. Peut-on véritablement être aussi enthousiaste ?
Dans un premier temps, et pour le monde développé, je pense que oui. La croissance économique dépassera probablement les 6% aux États-Unis par exemple, soit 4% de plus qu’avant la crise sanitaire. La France et le Royaume-Uni ne devraient pas être loin derrière et afficher une croissance de plus de 5% selon le Fonds Monétaire International. Il faut remonter au boom économique des années 50, donc les années suivant la seconde Guerre Mondiale, pour trouver des niveaux d’accélération économique aussi élevés, et aussi synchronisés entre les grandes puissances économiques.
Comment peut-on faire ce type de projections ? La situation n’est-elle pas totalement inédite et donc impossible à analyser ?
Vous avez raison de qualifier la situation d’extraordinaire. Mais elle n’est pas nécessairement inédite. Les économistes se tournent vers le passé, pour tenter d’expliquer ce qui pourrait se passer dans les trimestres à venir. Ils ont donc observé les sorties de crise. Comme par exemple, les années qui ont suivi la pandémie du choléra en 1830 en France, la fameuse grippe espagnole en 1920 ou encore la période suivant la fin de la seconde guerre mondiale, de 1947 à 1950.
Je comprends. Et je crois me souvenir de mes cours d’histoire qu’effectivement ces périodes se sont caractérisées par des niveaux de croissance élevés. J’imagine que c’est à cause du sentiment de la liberté retrouvée, qui a poussé les consommateurs à consommer ?
Oui mais pas que. Il est vrai que durant les guerres et les pandémies, les gens ont tendance à beaucoup plus épargner, par crainte du futur mais aussi par manque d’opportunités pour dépenser. Comme nous l’avons fait d’ailleurs depuis le début de l’année dernière. Et il est également vrai qu’à la sortie de crise, on prend plaisir à reprendre la vie normale. Mais sans nécessairement dépenser la totalité de cette épargne « forcée » que nous avons mit de côté pendant la crise. Ainsi, dans les années qui ont suivi la fin de 2nde Guerre Mondiale les consommateurs n’ont dépensé que 20% de l’épargne excédentaire constituée durant la guerre.
Donc si je comprends bien, dans le passé, suite à des pandémies, les dépenses ne font que retourner à la normale, avec peut-être un ou deux dîners au restaurant pour fêter la liberté retrouvée. Quels autres facteurs peuvent expliquer une stimulation aussi forte de l’économie ?
Eh bien, c’est probablement le fait que les crises encouragent les personnes et les entreprises de tenter des nouvelles expériences, de changer la façon de consommer et d’innover. Dit autrement, les crises accélèrent ou provoquent souvent des changements structurels de l’économie. Historiquement, durant ces périodes, les gens sont prêts à prendre plus de risques et de changer de mode de vie. Le Fonds Monétaire International a observé que les épidémies d’Ebola en Afrique ou du virus SARS en Asie, l’adoption de nouvelles technologies et la robotisation se sont accélérées dans les pays affectés. Dans un passé plus lointain, en 1919, après le passage de la grippe espagnole, le nombre de création d’entreprises a explosé aux États-Unis. Un peu comme aujourd’hui, ou le nombre de start-ups créées est en hausse constante. Et en termes de consommation, le constat semble évident que les commandes à distance et les achats en ligne sont maintenant rentrés dans les mœurs.
Donc sans se réjouir de la crise sanitaire actuelle, nous pouvons espérer une période faste à venir ? Le futur serait rose, si on en s’en réfère aux exemples historiques.
Oui, avec un grand bémol quand même. L’étude ces périodes de l’histoire montre aussi que les grands chamboulements économiques vont de pair avec des ajustements sociétaux. Dans « Les Misérables », Victor Hugo décrit bien combien les Parisiens les plus pauvres en voulaient aux riches, qui avaient pu fuir la capitale afin d’éviter l’épidémie du choléra de 1830. La prestigieuse London School of Economics vient de publier un papier qui souligne que la crise de la COVID a renforcé l’aversion à l’inégalité en Europe. Les crises sanitaires du passé ont exposé et parfois accentué les inégalités sociales. En étudiant les effets de 5 pandémies dont le SARS, l’ébola et le virus Zika, dans 133 pays depuis 2001, le FMI a constaté un accroissement dans les troubles sociaux et l’instabilité politique.
Donc pour conclure, profitons du boom économique probable qui accompagnera cette sortie de crise, mais méfions-nous de l’instabilité sociale qui pourrait l’accompagner.
Laurence Aubron - Marc Tempelman
Chaque semaine, nous accueillons Marc Tempelman, un des co-fondateurs de la FinTech Cashbee, qui aide les Européens à épargner plus et mieux. Nous discutons avec lui de finance.
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Image par Gerd Altmann de Pixabay