Chaque semaine sur euradio, retrouvez Marc Tempelman, le cofondateur de l’application d’épargne gratuite Cashbee, qui traite les sujets et les actualités de la finance.
Bonjour. Je vous propose de parler du Groupe Lagardère et de la chute de celui-ci. En effet, l’empire industriel bâtit pas son fondateur, Jean-Luc Lagardère, est en déclin constant depuis que son fils, Arnaud Lagardère, en a pris les reines.
Il semblerait que l’heure du dernier acte ait sonné la semaine dernière. Car Arnaud Lagardère a dû démissionner de son poste de PDG parce qu’il a été mis en examen. Il est soupçonné d'avoir puisé dans les comptes de ses sociétés pour financer son train de vie et ses dépenses personnelles pendant plusieurs années.
C’est en fait une histoire d’une transition générationnelle dans un groupe familial qui s’est très mal passée.
Tout à fait. Jean-Luc Lagardère était un ingénieur travailleur, avec du flair et du charme, qui lui ont permis de bâtir un empire. Il était devenu un des entrepreneurs emblématiques dans les années 90, avant de mourir soudainement en 2003. Il a alors laissé un groupe industriel diversifié, actif dans l’aéronautique et les médias, à son fils Arnaud.
Celui-ci a procédé au démantèlement du groupe, en faisant de mauvais choix stratégiques et en investissant des centaines de millions d’euros dans le domaine du sport. Arnaud se fait connaître pour son train de vie personnel et son amour pour le tennis, plus que pour son sens du travail.
Pourquoi les actionnaires n’ont-ils pas exigé le départ d’Arnaud Lagardère ?
Le père avait bien préparé sa succession d’un point de vue juridique. Le groupe a été structuré en commandite par action, ce qui permet à Arnaud, bien qu’il ne possède que 7% des parts, de contrôler Lagardère et d’être indéboulonnable.
Mais si le père a pensé à faire un montage juridique efficace, peut-on dire qu’il a manqué de préparer sa succession en termes d’éducation de son héritier ?
Oui. Jean-Luc Lagardère était connu pour passer de longues heures au bureau, et donc peu de temps en compagnie de son fils. Mais à qui il a offert une vie très luxueuse. Donc Arnaud n’était pas prêt à prendre la direction d’un groupe complexe et d’assumer les responsabilités qui viennent avec ce rôle.
D’ailleurs, il est fort à parier que d’autres bâtisseurs français aient pris note de la mauvaise gestion chez Lagardère de la transmission du pouvoir du groupe d’une génération à la suivante.
J’imagine que vous voulez parler de de Bernard Arnault, fondateur de LVMH ou peut-être de Vincent Bolloré, à la tête du groupe Bolloré ?
Exactement. Les deux connaissent le dossier Lagardère particulièrement bien d’ailleurs, parce que malgré le soutien financier d’Arnault en 2020, c’est bien le groupe Vivendi, contrôlé par Bolloré qui a fini par prendre le contrôle de Lagardère en 2023.
Quelles stratégies ont-ils adopté pour ne pas connaitre le même déclin ?
Arnault comme Bolloré ont impliqué leurs enfants beaucoup plus tôt dans les affaires du groupe. Quatre des cinq enfants de Bernard Arnault sont aujourd’hui au comité de direction du groupe, après avoir tous occupé de nombreuses fonctions différentes au sein de son empire. De la même façon Yannick et Cyril Bolloré occupent aujourd’hui des postes importants au sein du groupe fondé par leur père.
Typiquement, ces enfants ont été formés dans chacun de leurs postes successifs, par les meilleurs managers du groupe. L’histoire veut qu’un ou plusieurs enfants de Bernard Arnault accompagnent leur père lors qu’il effectue ses visites surprises dans un des magasins du groupe pendant le weekend.
Bref, contrairement à Arnaud Lagardère, les générations futures chez les Arnault et le Bolloré reprendront les rênes de leurs groupes respectifs après avoir été formés pendant de longues années. Cela ne veut pas dire qu’ils réussiront. Mais cela en augmente sans doute les chances.
Un entretien réalisé par Laurence Aubron