L'éco de Marc Tempelman

Investir dans l'art

© Roman Boed de Pxhere Investir dans l'art
© Roman Boed de Pxhere

Chaque semaine sur euradio, retrouvez Marc Tempelman, le cofondateur de l’application d’épargne gratuite Cashbee, qui traite les sujets et les actualités de la finance.

Aujourd’hui, nous abordons le sujet de l’investissement en art, une classe d’actifs dite “alternative”. Commençons peut-être par faire la distinction entre l’investissement et la collection d'œuvres d’art. Comment définiriez-vous ces deux approches ?

Bonjour. La différence est fondamentale. Un collectionneur agit principalement par passion : il achète des œuvres qui résonnent avec ses goûts, soutient des artistes émergents ou cherche à constituer un patrimoine esthétique. Par exemple, vous pouvez adorer le street art, ou les vases Ming chinois. À l’inverse, un investisseur aborde l’art comme un placement financier, certes d’une nature particulière. Son objectif est la performance économique, la diversification patrimoniale et la réduction de la corrélation avec les marchés traditionnels. Et il peut aborder cette classe d’actifs de façon structurée et rationnelle.

Comment un investisseur va-t-il aborder le marché de l’art alors ?

Comme pour d’autres classes d’actifs, un investisseur va vouloir s’assurer d’une certaine liquidité et analyser les données de marché. La plupart des investisseurs vont donc s’intéresser aux artistes dont les volumes de transactions sont élevés, et les enchères réguliers. Cela permet d’avoir des références de prix et de pouvoir établir des tendances.

Par ailleurs, toujours comme pour d’autres classes d’actifs, les investisseurs en art vont vouloir maîtriser leurs risques. Dans le domaine de l’art, il y a le risque de fraude avec la production de faux tableaux. C’est pourquoi de nombreux investisseurs se limitent à des périodes précises. Se focaliser sur l’art contemporain par exemple permet de limiter le risque de faux, la production des œuvres des artistes contemporains étant bien documentée et connue.

Enfin, le fait de se concentrer sur des artistes dont les oeuvres sont exposées dans des grands musées est également un facteur de réassurance, qui limite les risques de pertes, car cela institutionnalise l’artiste.

Donc on peut véritablement définir une stratégie d’investissement en art ?

Absolument. Chez Cashbee par exemple, nous ne proposons d’investir que dans des artistes mondialement connus comme Picasso, Soulages ou Warhol, dont la côte est très bien établie et le marché liquide. Et dont la plupart des œuvres s’échangent entre 500 000 € et 5 millions €, qui est la fourchette de prix qui représente 95% de la valeur des échanges en art.

La stratégie consiste à cibler alors uniquement les maîtres établis du XXᵉ siècle (Picasso, Dali, Basquiat), dont la réputation et la demande internationale assurent une valorisation relativement prévisible. Et de privilégier les œuvres « muséales » : pièces rares, bien documentées, ayant figuré dans des expositions prestigieuses. Cela renforce leur attractivité pour les acheteurs institutionnels. Avec pour objectif bien sûr de les revendre dans les trimestres suivants.

Est-ce la seule stratégie possible ?

Pas du tout. Si vous souhaitez prendre plus de risques, vous pouvez vous focaliser sur des des artistes vivants ou émergents, dont la cote peut fluctuer brutalement.

Mais dans la fourchette de prix que vous annoncez, cela reste une classe d’actif réservée aux plus fortunés.

Oui, c’est ce que l’on pourrait croire. Surtout que, comme pour d’autres investissements, il s’agit de diversifier ses placements afin de diluer les risques. Mais aujourd’hui les techniques de crowdfunding permettent à des épargnants moins riches d’acheter des parts de tableaux en co-investissant avec d’autres pour ensemble acquérir un Warhol.

Les plateformes digitales se chargent de trouver les œuvres, de l’achat, de son fractionnement et de sa revente.

Quel est le type de rendement que les investisseurs en art peuvent espérer réaliser ?

C’est évidemment variable. Mais les valorisations dans le marché de l’art se sont accrues, sur une durée longue, de plus de 10% par an.

Quels sont les écueils à éviter pour un investisseur débutant ?

Premièrement, ne pas confondre émotion et analyse. Acheter une œuvre « coup de cœur » sans vérifier sa liquidité ou sa cote historique est risqué. Deuxièmement, sous-estimer les frais annexes : assurance, stockage, frais de gestion. Enfin, omettre de diversifier : nous recommandons de limiter l’exposition à 5-10 % du patrimoine, en complément d’actifs traditionnels.

Un entretien réalisé par Laurence Aubron.