Chaque semaine sur euradio, retrouvez Marc Tempelman, le cofondateur de l’application d’épargne gratuite Cashbee, qui traite les sujets et les actualités de la finance.
Nous accueillons Marc Tempelman, le cofondateur de l’application d’épargne gratuite Cashbee. Nous discutons toutes les semaines de finance. Marc, de quoi allons-nous parler aujourd’hui ?
L’agence Standard & Poor’s vient d’abaisser la note de la dette française, qui passe de AA‑ à A+. C’est une nouvelle dégradation, après celle prononcée par Fitch il y a quelques mois. C’est, me semble-t-il une annonce, une décision importante et dont il faut bien comprendre les conséquences.
En effet, les agences de notation ont beaucoup de poids. D’abord, la décision de S&P, qu’est-ce qu’elle signifie vraiment ?
Cette décision confirme que les grandes agences de notation sont préoccupées par la trajectoire des finances publiques françaises. Concrètement, quand une agence comme S&P abaisse la note d’un pays, cela signifie qu’elle estime que ce pays présente un risque légèrement supérieur de ne pas pouvoir rembourser ses emprunts. C’est une façon de dire : « la dette reste sûre, mais la situation budgétaire se détériore ». La note de la France passe de 17 sur 20 à 15 sur 20. Cela n’a rien d’alarmiste à court terme, mais cela envoie un signal clair aux marchés financiers.
Un signal de défiance, en quelque sorte ?
Disons plutôt un avertissement. Les marchés regardent ce genre d’évaluation pour ajuster le taux auquel ils prêtent. En abaissant la note de la France, S&P indique qu’elle a des doutes sur la capacité du gouvernement à réduire rapidement le déficit et à stabiliser la dette.
Justement, quelles sont les raisons mises en avant par l’agence ?
S&P reproche d’abord la persistance d’un déficit élevé : plus de 5 % du PIB cette année, et un retour sous les 3 % repoussé à plus tard. Ensuite, la dette publique avoisine les 111 % du PIB, un record hors période de crise. Autre élément, la difficulté de réduire les dépenses publiques dites structurelles — celles que l’on ne peut pas ajuster facilement, comme les retraites, les salaires des fonctionnaires ou la santé. S&P note aussi que la conjoncture politique complique les réformes : absence de majorité claire au Parlement, tensions sociales, et une marge de manœuvre budgétaire très limitée.
Et quelles conséquences immédiates la France pourrait-elle subir ?
À court terme, la principale conséquence, c’est un possible renchérissement du coût de l’emprunt. La France doit régulièrement se financer sur les marchés pour refinancer sa dette existante. Si les investisseurs jugent le risque un peu plus élevé, ils exigeront des taux d’intérêt supérieurs. Aujourd’hui, une obligation d’État à dix ans se négocie autour de 3,8 % ; si l’écart, ou spread, avec l’Allemagne continue de se creuser, chaque dixième de point peut représenter plusieurs milliards d’euros de charge en plus chaque année.
Et sur le moyen terme, quelles sont les implications plus larges ?
Sur le moyen terme, cela pèse forcément sur le budget. Plus on consacre de ressources au paiement des intérêts, moins il reste pour financer des priorités comme la transition énergétique, l’éducation ou la défense. C’est une contrainte très concrète pour les finances publiques. Et puis, si la France tarde à redresser la situation, elle pourrait perdre encore davantage de crédibilité auprès des marchés et de ses partenaires européens. À l’inverse, une trajectoire claire de retour sous les 3 % et des réformes crédibles pourraient stabiliser, voire améliorer, la note dans les années à venir.
Donc il y a encore une marge de manœuvre pour corriger le tir ?
Oui, bien sûr. Les agences ne disent pas que tout est perdu ; elles demandent des signaux forts. Si le gouvernement montre qu’il s’attaque enfin à la maîtrise des dépenses et que la croissance redémarre, cela peut suffire à rassurer les marchés. C’est absolument possible, la preuve, La Grèce, l’Italie, le Portugal et l’Espagne y sont tous arrivés. L’enjeu, d’ailleurs, n’est pas seulement financier : c’est aussi une question de crédibilité économique et politique au sein de l’Europe.
Un entretien réalisé par Laurence Aubron.