Chaque semaine sur euradio, retrouvez Marc Tempelman, le cofondateur de l’application d’épargne gratuite Cashbee, qui traite les sujets et les actualités de la finance.
Nous accueillons Marc Tempelman, le cofondateur de l’application d’épargne gratuite Cashbee. Nous discutons toutes les semaines de finance. Marc, de quoi allons-nous parler aujourd’hui ?
On pense souvent que les marchés financiers sont parfaitement rationnels, mais dans la réalité, les sentiments et l’émotion l’emportent souvent et conduisent certains investisseurs, et notamment les épargnants individuels, à prendre des mauvaises décisions.
Vous voulez nous parler des biais psychologiques qui influencent les décisions financières des particuliers. En quoi consistent ces fameux biais, et pourquoi sont-ils si puissants quand on investit ?
En effet, nous sommes tous, sans exception, exposés à des mécanismes de pensée appelés « biais cognitifs ». Ce sont des raccourcis mentaux qui, dans la vie de tous les jours, nous aident à prendre des décisions rapidement. C’est une conséquence directe de notre passé lointain d’homme des cavernes, qui devait, face à un danger, décider très rapidement de fuir ou d’attaquer.
Ces biais dans le domaine de l'investissement peuvent vraiment nous jouer des tours. Ils peuvent nous amener à conserver trop longtemps des placements perdants, à investir au mauvais moment, ou à manquer des opportunités intéressantes.
Pouvez-vous nous donner des exemples concrets pour illustrer ces biais ?
Absolument ! Prenons d’abord l’« aversion à la perte ». Imaginez un investisseur qui garde en portefeuille une action qui baisse depuis des mois, comme s’il attendait un miracle. Il a du mal à vendre parce qu’il refuse d’accepter la perte, alors qu’il vaudrait parfois mieux tourner la page et investir ailleurs.
Un autre exemple classique, très proche, c’est le « biais d’ancrage ». Si vous avez acheté une action à 100€, vous aurez tendance à attendre qu’elle atteigne à nouveau ce niveau pour vendre, même si tout indique que les perspectives se sont détériorées. On reste “accroché” à ce prix d’achat, et cela bloque la prise de nouvelles décisions.
Il y a aussi l’« excès de confiance ». Beaucoup croient qu’ils battent le marché en permanence parce qu’ils ont pu réaliser un ou deux bons coups de chance. Ce biais a un nom, il s’agit du fameux effet Dunning-Kruger ! Résultat : on investit trop, on prend des risques excessifs… et la correction peut être douloureuse.
On entend aussi souvent parler du “biais du troupeau”. On parle bien d’un troupeau de moutons, n’est-ce pas ?
Oui, il s’agit tout simplement du réflexe de suivre les autres, d’acheter parce que “tout le monde” achète. Pensez à la bulle Internet des années 2000. Beaucoup ont investi dans des valeurs technologiques surévaluées juste parce que leurs voisins le faisaient ou par peur de rater une opportunité. Le résultat est connu : krach, et de lourdes pertes pour ceux qui n’avaient pas pris le temps d’analyser correctement la situation.
Avez-vous d’autres biais ou anecdotes en tête ?
Bien sûr. Le « biais de confirmation » est redoutable : on ne lit que les infos qui confirment ce qu’on pense déjà. Par exemple, si je crois que la société Nvidia est l’avenir de la tech, je vais “oublier” tous les signaux d’alerte, et ne retenir que les articles positifs. Pire, je peux ignorer l’avis d’experts sous prétexte que “je sais mieux”.
Il y a aussi l’illusion de contrôle : certains pensent qu’ils peuvent prédire le marché et timer parfaitement leurs achats et ventes. Spoiler : même les pros n’y arrivent pas !
Un autre classique, c’est la “myopie temporelle” : on réagit trop brusquement aux nouvelles du jour, on “panique-vend” dès qu’une action perd 10%, oubliant l’horizon de long terme de ce placement.
Face à tout ça, que faire pour limiter les dégâts ?
Déjà, prendre conscience de ses biais, c’est un bon début ! Ensuite, il faut s’imposer des règles simples : par exemple, définir à l’avance une “stratégie de sortie” sur chaque investissement, ou fixer un stop-loss.
Et ne pas hésiter à discuter de ses choix avec d’autres investisseurs, ou mieux encore, avec des conseillers experts, afin de valider ou non votre raisonnement. Il est également possible de recourir à une gestion automatisée, avec des versements mensuels, pour garder la tête froide et lisser vos points d’entrée. Enfin, rappelez-vous que l’investissement, ce n’est pas une compétition de flair, mais une course de fond. La discipline et la diversification sont vos meilleurs alliés !
Un entretien réalisé par Laurence Aubron.