L'éco de Marc Tempelman

TINA nous forcerait à prendre des risques - L'éco de Marc Tempelman

TINA nous forcerait à prendre des risques - L'éco de Marc Tempelman

Nous accueillons Marc Tempelman, le cofondateur de l’application d’épargne gratuite Cashbee. Nous discutons toutes les semaines de finance. Bonjour Marc, de quoi allons-nous parler aujourd’hui ?

Je vous propose aujourd’hui de parler de Tina. Non, pas Tina Turner, la chanteuse aux 12 Grammy Awards, mais la Tina qui dans le langage des traders signifie There Is No Alternative, pour « il n’y a pas d’alternative ».

Alors je vais vous poser la question évidente, il n’y aurait pas d’alternative à quoi, selon ces traders ?

Selon ces spécialistes de marché, Tina serait une des raisons qui explique la hausse relativement constante des marchés actions depuis des années. Tina exprime tout simplement l’idée que les épargnants n’ont pas d’autres choix que d’investir en actions s’ils veulent gagner de l’argent.

L’apparition de cette abréviation suit celle du FOMO, pour Fear Of Missing Out, ou la crainte de passer à côté d’une bonne affaire. L’expression FOMO est utilisée depuis quelques années déjà. En d’autres termes, le marché actions aurait été soutenu depuis longtemps par la demande des épargnants qui auraient simplement peur de louper la hausse des cours de bourse.

Si on regarde les dernières années, cette crainte de passer à côté de la hausse de la bourse était plutôt justifiée n’est-ce pas ?

Oui tout à fait. Cela fait maintenant presque une dizaine d’années que les indices boursiers sont orientés à la hausse. Sur les douze derniers mois, l’indice du CAC40, la référence pour les grandes valeurs françaises cotées, affiche une performance de +34%. Ceux qui hésitaient d’investir en janvier s’en mordent les doigts.

Et pourquoi, dans le langage des traders est-on passé du FOMO au Tina, qui va plus loin en soulignant qu’il faudrait investir en actions parce qu’il n’a pas d’autres alternatives ?

Excellente question. Pour y répondre il faut comprendre comment sont jugés les gestionnaires de fonds et les investisseurs professionnels. Dans le milieu, on évalue la performance délivrée par un fonds donné par rapport à son indice de référence, comme par exemple le CAC40 ou le S&P500. On compare aussi le rendement généré par un gestionnaire à celui de ses concurrents.

Très bien. Donc si je comprends bien, un gestionnaire prudent, qui aurait gardé une partie de l’argent en liquidités, aurait forcément délivré une performance inférieure par rapport à d’autres, plus agressifs ?

Exactement. Un gestionnaire défensif, qui anticipe une correction des marchés actions, peut décider de garder une partie des fonds qui lui ont été confiés de côté. En attendant d’investir en actions quand les cours de bourse auront chuté. En théorie, cette approche est parfaitement rationnelle, mais dans la pratique il y a un problème : que faire de ses liquidités en attendant le déluge ?

Logiquement, il devrait garder cette partie non encore investi en actions, en liquide ou sur des produits monétaires non ?

Oui absolument. Et c’est là où le bas blesse. Dans le passé cette stratégie était peu coûteuse. En 2001, le taux du marché monétaire se situait autour de 3% et l’État français émettait des obligations à 10 ans affichant un rendement autour de 5%. Deux options pertinentes pour l’investisseur qui souhaite se tenir à l’écart du marché actions, en attendant un meilleur point d’entrée.

Aujourd’hui, ces deux alternatives offrent des rendements respectifs de -0,5% et environ 0% !

Ah. D’où le phénomène Tina ! Puisque dans un contexte de taux nuls voire négatifs, l’argent gardé en liquide ne rapporte plus rien, à celui qui attend la baisse des cours de Bourse.

C’est bien ça ! Si le marché actions monte de 8% en un an et que vous avez placé la moitié de votre épargne “en attente” sur des produits monétaires à 3%, votre portefeuille aura pris 5,5%. Vous aurez donc sous-performé l’indice de 31%, qu’on obtient en divisant 5,5 par 8. Pénible, mais ça passe.

Mais si dans le même scénario, vos liquidités ne rapportent plus 3% mais vous coûtent 0,5%, votre rendement moyen chute à 3,75%. Le portefeuille sous-performe désormais l’indice de référence de plus de moitié. Un manque à gagner douloureux et, si on est gérant, une raison suffisante pour se faire convoquer par sa direction qui exigera des explications. 

D’où la théorie de certains qu’il n’y a pas d’alternative et qu’il faut investir en actions. Non pas parce que c’est la meilleure stratégie, mais parce que le manque à gagner en le faisant pas est devenu trop important.

En attendant la correction de marché qui finira sans doute par arriver un jour !

Laurence Aubron - Marc Tempelman

Chaque semaine, nous accueillons Marc Tempelman, un des co-fondateurs de la FinTech Cashbee, qui aide les Européens à épargner plus et mieux. Nous discutons avec lui de finance. 

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Photo de Kindel Media provenant de Pexels