Chaque semaine sur euradio, retrouvez Marc Tempelman, le cofondateur de l’application d’épargne gratuite Cashbee, qui traite les sujets et les actualités de la finance.
De quoi allons-nous parler aujourd’hui ?
La semaine dernière, l’agence de notation Fitch a décidé d’abaisser la note de la France. Cela nous présente l’opportunité d’expliquer le rôle que jouent les agences de notation et aussi de revenir sur les raisons pour lesquelles Fitch a un peu moins confiance en la France, et sa capacité à rembourser ses dettes.
Commençons alors par rappeler à nos auditeurs à quoi servent les agences de notation.
Oui. Les trois grandes agences de notation dans le monde s'appellent Moody’s, Standard & Poor’s et Fitch. Leur rôle est de noter la qualité de crédit des emprunteurs dans le monde. Il s’agit notamment de pays, comme la France, d’agences, comme la Banque Mondiale ou encore de sociétés comme LVMH. Ces notes permettent aux investisseurs de se faire une idée de la capacité d’un emprunteur à rembourser ses dettes. Plus la note est élevée et plus le risque de défaut de paiement est faible.
La meilleure note possible est une note de trois A, n’est-ce pas ?
C’est exact. Les trois agences ont adopté un système similaire, basé sur des lettres. Trois A étant la note maximale, qui dénote un risque quasi-nul pour les prêteurs. Seuls onze États bénéficient de cette note d’excellence, à savoir : l’Australie, le Canada, le Danemark, l’Allemagne, le Liechtenstein, le Luxembourg, la Norvège, les Pays-Bas, Singapour, la Suède et la Suisse.
Et ce sont donc ces États qui peuvent emprunter aux meilleurs tarifs ?
Exactement. Plus les notations sont bonnes, plus les emprunteurs sont sûrs et donc plus il leur est facile d’emprunter. Et ils peuvent s’endetter en payant des taux d’intérêts plus bas.
Et la France dans tout cela ?
La France doit payer un peu plus cher. Car elle est notée quelques crans sous le triple A. Elle fut notée deux crans en dessous, à double A. Mais Fitch vient de décider d'abaisser la notation du pays un cran de plus, à double A moins.
Pourquoi Fitch a-t-elle pris cette décision ?
Fitch soulève l’importance du déficit fiscal de la France qui pourrait atteindre 5% du Produit National Brut cette année. Or, le niveau médian des pays notés double A sur ce critère est de 2,3%. Par ailleurs, l’agence note que les dépenses publiques seront difficiles à réduire, car un tiers des ces dépenses sont indexés sur l’inflation. La réforme des retraites est saluée par l’agence, mais perçue comme étant d’un impact modeste. Fitch souligne aussi le niveau élevé de l’endettement du pays. À 112% du PNB, la France est le pays le plus endetté parmi les pays notés double-A. Notre taux d’endettement dépasse le double de la médiane de la catégorie.
Enfin, l’agence s’inquiète de l’instabilité sociale et politique. Et exprime spécifiquement la crainte de voir se renforcer les forces politiques extrêmes. Tout en soulignant que les récents mouvements sociaux constituent un risque pour les réformes politiques voulues par le Président Macron.
Et cette réduction de la note a-t-elle un réel impact sur le coût d’endettement du pays ?
C’est difficile de la démontrer de façon mathématique. Car il y a de nombreux facteurs qui influent sur le coût d’endettement d’un pays. Mais la tendance est mauvaise. La France paie désormais 0,5% de plus sur sa dette que l’Allemagne. Cet écart n’était que de 0,3%, il y a deux ans.
Le mot de la fin ?
L’agence Standard & Poor’s est en train d’analyser l’état de l’économie française et se prononcera début juin. Si elle décide d’également abaisser sa note de la France, cela ferait augmenter - encore un peu plus - le coût de financement de la France. Et cela mettrait une pression grandissante sur le gouvernement d’adopter des mesures visant à réduire l’endettement du pays, typiquement peu populaires.
Entretien réalisé par Laurence Aubron.