Chaque semaine sur euradio, retrouvez Marc Tempelman, le cofondateur de l’application d’épargne gratuite Cashbee, qui traite les sujets et les actualités de la finance.
De quoi allons-nous parler aujourd’hui ?
Je vous propose de parler du bon vieux Livret A, le produit d’épargne le plus populaire en France. Car il a regagné en popularité depuis le début de l’année. Au seul mois de janvier, la collecte sur le livret A a atteint 9,27 milliards d’euros. Soit la plus importante depuis janvier 2009, où les Français·es avaient collectivement versé plus de 18 milliards sur le même support, en pleine crise financière. En parallèle, les épargnant·es se sont également rués vers le Livret de Développement Durable et Solidaire (LDDS), pour y déposer presque 2 milliards d’euros de plus.
J’imagine que le Livret A et le LDDS ont été dopés par l’annonce en janvier du relèvement de leur taux de 2 à 3 % ?
Oui, depuis le 1er février le taux d’intérêt du Livret A a été fixé à 3 %, son taux le plus élevé depuis 15 ans. Alors qu’il était encore à son plus bas historique de 0,50 % en janvier de l’année dernière. Craignant l’érosion de leur pouvoir d’achat, causée par l’inflation, les Français·es ont transféré des liquidités non rémunérées qui dormaient sur leurs comptes courants vers des supports sûrs, mais qui versent des intérêts.
C’est plutôt logique non ?
Absolument, mais les humain·es ne se comportent pas toujours de façon parfaitement économiquement logique. Pour le démontrer, la Banque de France a constaté que les dépôts à vue - l’argent qui dort sur des comptes courants - sont passés de 257 milliards d’euros à la fin de 2014 à plus de 543 milliards d’euros en juillet 2022. Dans un contexte où l’inflation était quasiment nulle, les épargnants Français ont choisi d’ajouter des centaines de milliards d’euros sur des comptes qui ne leur rapportaient rien.
Mais depuis l’été dernier, les ménages ont changé leurs comportements. Le rendement du Livret A est redevenu suffisamment attractif pour attirer l’attention, alors que l’inflation ronge la valeur des sommes laissées sur les comptes courants. Sans surprises, l’encours des dépôts sur les comptes courants s’est ainsi réduit de presque 19 milliards d’euros au quatrième trimestre 2022.
Alors en transférant leur épargne des comptes courants vers le livret A, les Français·es gagnent-ils de l’argent ?
Oui, mais pas assez pour véritablement se protéger contre l’inflation. Le rendement de 3 % ne suffit pas pour complètement contrer la hausse des prix à la consommation, qui s’effectue à un taux de plus de 5 %. Le rendement réel du Livret A reste donc bien négatif.
Alors pourquoi mettons-nous autant d’argent sur ces supports ?
D’abord, il faut noter que l’effort d’épargne reste très élevé. Les Français·es, confronté·es à la hausse des prix, cherchent à renforcer leur bas de laine. On préfère consommer moins que de puiser dans nos réserves. Le débat actuel sur les retraites et les menaces de grève ont sans doute contribué à ce phénomène. Et dans ce contexte incertain, c’est en toute logique que les Français·es préfèrent les supports les plus sûrs, sans risques.
À quoi servent ces dépôts gigantesques sur le Livret A ?
Vous avez raison de souligner l’importance des dépôts. Les encours sur le Livret A ont atteint un nouveau record à plus de 380 milliards d’euros. Auxquels il faut rajouter 136 milliards de plus déposés sur le LDDS. Et ces encours vont très probablement continuer de monter, le premier semestre étant historiquement favorable au Livret A. On y dépose une partie des primes perçues fin décembre, et il n’y a pas d’échéances fiscales. Selon la loi, cet argent doit être utilisé pour construire des logements sociaux. Mais un débat a commencé sur l’utilisation possible de ces fonds pour financer la construction de nouvelles centrales nucléaires.
Entretien réalisé par Laurence Aubron.