Retrouvez chaque semaine sur euradio l'analyse d'une actualité européenne avec Joséphine Staron, Directrice des études et des relations internationales du think tank Synopia.
Dans vos deux prochaines chroniques, vous souhaitez mettre en lumière des mouvements citoyens en Europe qui promeuvent des valeurs de paix, de solidarité, et qui défendent les principes démocratiques et l’État de droit. Pourquoi ce choix Joséphine Staron ?
Je pense que c’est important de montrer qu’il y a énormément de gens en Europe, particulièrement des jeunes, qui sont engagés dans des projets et dans des actions pour promouvoir les valeurs qui sont les nôtres, et qui sont aujourd’hui plus que jamais en danger. L’Europe compte moins de 450 millions d’habitants. Alors que la planète a dépassé les 8 milliards, notre faible poids démographique doit être compensé par d’autres aspects de la puissance : politique, économique, commerciale. Non pas parce que la puissance est un objectif en soi, mais parce qu’elle est le moyen de garantir que nos valeurs, les modes de vie qui nous sont chers, perdurent pour des générations et des générations, en dépit des attaques répétées que nous subissons. Ces attaques viennent autant de l’extérieur de l’Europe, que de l’intérieur. Les valeurs de démocratie, de paix, de liberté sont menacées, et alors que beaucoup critiquent la jeunesse pour son inaction, je veux montrer qu’il y en a qui s’engagent, et que ces engagements ont des impacts concrets.
Cette semaine, vous allez nous parler de la Jeune Chambre économique qui regroupe dans le monde plusieurs milliers d’organisations et des centaines de milliers de citoyens.
Oui, tout à fait. Le 18 octobre, j’ai eu la chance d’être invitée par la Jeune Chambre économique française à Orléans pour leur congrès national. Ils célébraient leurs 70 ans d’existence puisqu’ils ont été créés en 1952 et qu’ils sont reconnus d’utilité publique depuis 1976. En France, la Jeune Chambre économique est une association qui regroupe des citoyens bénévoles qui ont entre 18 et 40 ans, et qui viennent de tous les horizons sociaux, économiques, professionnels. Au niveau mondial, la Jeune Chambre économique, rassemble 5 000 organisations locales, 200 000 citoyens, répartis dans plus de 100 pays. La première organisation locale a été créée en 1915 aux États-Unis. Depuis, de nombreux dirigeants sont passés et ont été formés par les jeunes chambres économique : Bill Clinton, Nelson Mandela, Koffi Annan ou encore Bill Gates.
Quel est l’objectif des Jeunes Chambres économiques ?
Pour les définir, je trouve que leur slogan se suffit à lui-même : « be better », « être meilleur ». Lorsqu’ils intègrent une Jeune Chambre, les jeunes cherchent à avoir un impact réel, que ce soit au niveau local, au niveau régional, ou encore au niveau international. Le 18 octobre, j’ai eu la chance d’inaugurer la première édition de la Peace Makers Academy organisée en marge du congrès national, et j’ai été épatée par l’enthousiasme des participants, et surtout par leur volonté de créer le changement, d’être utile, de laisser leurs marques sur cette terre. Ce sont des jeunes de tous les horizons, mais ce qui les rassemblent, c’est leur engagement pour un monde meilleur. C’est-à-dire un monde plus pacifique, plus libre, et où les valeurs démocratiques triomphent. Cela ne veut pas dire les imposer aux autres, mais a minima permettre que ceux qui veulent vivre selon ces principes puissent le faire.
Mais est-ce suffisant ? Est-ce que l’action de quelques milliers de jeunes peut vraiment inverser la tendance actuelle qui est celle d’une perte de vitesse des valeurs démocratiques ?
Je pense que oui. Et si on ne le pense pas alors il n’y a plus vraiment d’espoir. Lorsqu’on a la chance de vivre en Europe, en regardant autour de nous, nous voyons des cultures, des langues et des idées diverses qui constituent notre identité européenne commune. L’Union européenne est imparfaite. C’est certain, mais ca reste une communauté unique qui défend les opportunités, les libertés et la diversité. Chaque jour, nous jouissons de libertés dont beaucoup dans le monde ne peuvent que rêver. On peut traverser les frontières sans crainte, explorer de nouvelles cultures et nouer des amitiés qui transcendent les frontières. Ce ne sont pas seulement des privilèges, ce sont les pierres angulaires de nos valeurs démocratiques. Mais il faut avoir conscience que la démocratie n’est pas un acquis, c’est une lutte permanente.
D’après le baromètre de l’« Economist Intelligence Unit », l’indice de démocratie dans le monde a atteint son niveau le plus bas ?
Oui et ça ne va pas s’arrêter de baisser si nous n’agissons pas. Il est de notre responsabilité de défendre l’héritage démocratique qu’on a reçu et pour lequel beaucoup sont morts dans l’histoire. En somme, nous devons assumer notre rôle de gardiens de la démocratie. Cela signifie nous engager activement dans nos communautés, participer au processus politique et demander des comptes à nos dirigeants. Cela signifie favoriser le dialogue, la compréhension et le respect de la parole des autres. Plus important encore, cela signifie défendre l’Union européenne en tant que bastion de nos valeurs communes. Quand on regarde les Moldaves, les Géorgiens, les Ukrainiens : on voit des gens qui rêveraient de faire partie de ce bastion. Ne les décevons pas et défendons-le jusqu’à ce qu’ils puissent nous rejoindre un jour. C’est du devoir de chacun et je suis convaincue pour l’avoir vu de mes propres yeux que des organisations comme les Jeunes Chambres économiques jouent un rôle essentiel pour diffuser et préserver nos valeurs.
Une interview réalisée par Laurence Aubron.