Cette semaine avec Jeanne Gohier, nous parlons de l’impact de la pandémie sur les émissions en gaz à effet de serre. Nous l’avons vu, l’activité économique a fortement baissé en 2020 et a engendré une baisse des émissions de gaz à effet de serre, est-ce que cela va s’installer à long terme ?
La pandémie a provoqué une grave crise économique, et cela a eu un impact sur beaucoup de secteurs, notamment l’énergie. Les émissions de gaz à effet de serre ont diminué de 5,8% en 2020 : du jamais vu depuis la Seconde Guerre mondiale. La chute du trafic routier est la principale responsable de cette diminution d’émissions : en avril 2020, le trafic avait diminué de 44% dans le monde entier. Un autre facteur : pendant les périodes de confinement la demande en électricité baissait d’au moins 15%. La mauvaise nouvelle, c’est qu’il risque d’y avoir un fort rebond des émissions de gaz à effet de serre en 2021.
Pourtant on entend dire qu’il faut profiter de la reprise pour mettre en place une économie plus durable, à quoi ce rebond est-il dû ?
L’Agence Internationale de l’Energie a publié des prévisions pour l’année à venir. Elle estime que les émissions de gaz à effet de serre vont augmenter d’environ 5% cette année par rapport à 2020, la plus forte augmentation depuis 2010. Cela reste un peu moins fort que la hausse du PIB mondial estimée à 6% pour 2021 par le FMI. Avec une telle augmentation, le niveau d’émissions d’avant-crise sera rapidement atteint. Ceci serait principalement causé par une forte demande en électricité produite avec du charbon, qui viendrait principalement d’Asie. Cette demande éclipse un formidable rebond, celui de la production d’électricité de sources renouvelables, qui augmenterait de 8% cette année.
Pourquoi cette production d'électricité verte ne fait-elle pas baisser les émissions de carbone ?
Il faut savoir que la production de panneaux photovoltaïques ou l'installation d'éolienne requièrent beaucoup de matières premières et d'énergie polluantes. C'est ensuite, pendant leur utilisation et quand ils seront généralisés, que ces modes de production permettront de réduire le bilan carbone global, l'effet n'est donc visible que sur la durée, c'est d'ailleurs la même chose pour les voitures électriques.
En attendant, cela a l’air catastrophique pour le climat…
L’alerte a été lancée par le directeur exécutif de l’Agence Internationale de l’Energie : la reprise qui se profile est tout sauf durable. Si rien n’est fait, l’année 2022 sera encore pire. Il faut mettre en place une diminution durable des émissions de gaz à effet de serre pour que les effets soient visibles et bénéfiques. Une réduction ponctuelle de nos émissions carbone ne fait que ralentir le taux d’augmentation des gaz à effet de serre atmosphériques. Il faudrait que les émissions baissent de 7% tous les ans si nous voulons respecter les engagements pris lors de l’Accord de Paris. Une baisse de 7% des émissions, c’est à peu près ce qu’on a eu pendant les périodes de confinement.
Mais on ne pourra pas résoudre le problème climatique par des confinements successifs !
Bien sûr que non, ça n’est pas du tout souhaitable. Il faut trouver d’autres moyens, l’implication de l’Asie et des Etats-Unis est cruciale pour la transition bas-carbone. Il y a d’ailleurs une opportunité formidable : celle de l’emploi. D’après une étude de l’AIE, l’amélioration de l’efficacité énergétique dans le bâtiment et l’industrie crée beaucoup d’emplois, tout comme le développement du parc photovoltaïque. C’est l’approche que Joe Biden veut adopter pour faire accepter la transition bas-carbone à la population étatsunienne, qui reste climatosceptique. Lors du Sommet virtuel pour le climat, les 22 et 23 avril derniers, il a promis une baisse des émissions de 50% d’ici 2030.
Que peut-on dire des engagements pris par les pays lors de ce Sommet pour le climat ?
Beaucoup de nouvelles promesses ont été faites, généralement plus ambitieuses que ce qui avait été annoncé à la suite de l’Accord de Paris. Il faut rester prudent sur ces annonces, certaines sont plus ou moins ambitieuses et ne sont pas suivies par un plan de réduction des émissions et de développement des technologies bas-carbone. Finissons cependant sur une note optimiste : l’Union européenne a revu à la hausse son ambition de réduction des émissions, de plus en plus de gouvernements, comme l’Allemagne, sont soumis à une pression judiciaire pour proposer des plans d’action ambitieux et agir de manière plus efficace sur les émissions de gaz à effet de serre.
Laurence Aubron - Jeanne Gohier
Jeanne Gohier est analyste sur la finance du climat chez Fideas Capital, qui propose aux Européens d’investir « Smart for Climate », c’est-à-dire de prendre en compte les enjeux du réchauffement climatique dans leurs placements.
Tous les éditos "Smart for Climate" de Jeanne Gohier sont à retrouver juste ici
crédits photo: Jeanne Menjoulet, CC BY 2.0, via Flickr