Cette semaine, Jeanne Gohier de Fideas Capital nous parle d'une étude publiée par l’Organisation météorologique mondiale alertant que le seuil d’un réchauffement de 1,5°C pourrait être atteint d’ici 2025. C’est beaucoup plus tôt que ce qui était prévu, est-ce que l’Accord de Paris serait déjà caduque ?
Il faut préciser ce qu’a annoncé l’organisation météorologique mondiale : elle a affirmé qu’il y avait « une probabilité de 40% que la température mondiale annuelle soit temporairement supérieure de 1,5°C aux valeurs préindustrielles pendant au moins l'une des cinq prochaines années ». La mauvaise nouvelle, c’est que cette probabilité augmente au fur et à mesure du temps. Cela peut paraître encore relativement improbable, mais ces prévisions sont pires que celles des années précédentes. Cela ne veut pas dire que l’Accord de Paris est désormais inutile, c’est un signal d’alarme qui nous rapproche plus rapidement que prévu de la limite de réchauffement.
Est-ce qu’on peut espérer respecter l’objectif 1,5°C, ou ne faut-il plus y croire ?
La limite de 1,5°C de réchauffement est une moyenne mondiale qui dépend principalement de la quantité de gaz à effet de serre dans l’atmosphère. Pour l’instant le stock de gaz n'atteint pas encore le niveau qui provoquerait un réchauffement de 1,5°C, mais plus nous tardons à ralentir nos émissions, plus il faudra les arrêter brutalement dans le futur. Un nombre croissant de scientifiques sont pessimistes sur notre capacité à limiter le réchauffement à 1,5°C car ils ne voient pas d’efforts suffisants dans un futur proche. Par exemple, le Centre National de Recherche Météorologique affirme que cette limite n’est plus scientifiquement réaliste.
Cela présage un avenir sombre, est-ce qu’il y a des raisons de rester optimiste ?
Il est très important de rester optimiste, car nous pouvons encore agir si nous revoyons nos ambitions à la hausse. Ces derniers jours de nombreuses assemblées générales de grandes entreprises pétrolières ont eu lieu, et la pression s’est réellement accentuée. C’est le cas pour ExxonMobil, une entreprise pétrolière jusqu’à présent très récalcitrante à modifier sa stratégie pour produire une énergie plus durable. Les actionnaires ont imposé deux nouveaux administrateurs au sein du conseil d’administration, ce qui va obliger l’entreprise à se diversifier pour produire de l’énergie renouvelable. Le même jour, la cour de justice néerlandaise obligeait l’entreprise Shell à réduire ses émissions de 45% d’ici 2030. Une décision historique pour obliger l’entreprise à respecter l’Accord de Paris.
Est-ce que cette pression est suffisante pour vraiment limiter le réchauffement ?
On avance pas à pas, la pression est à la fois réglementaire, contentieuse et financière et elle s’accélère. Les états et les entreprises sont sous une contrainte plus forte. On voit aussi que les investisseurs encouragent ceux qui font un premier effort important pour la transition : lors de l’Assemblée générale de Total, les actionnaires ont largement approuvé la stratégie de développement durable de l’entreprise. Quelques actionnaires ont souligné que les efforts devront être poursuivis et amplifiés pour respecter l’Accord de Paris.
Ne serait-il pas plus raisonnable de viser une limite d’un réchauffement à 2°C plutôt qu’à 1,5°C ?
Il faut rester ambitieux et même obstiné avec cette limite de réchauffement, car chaque effort compte. Plus on recule sur nos ambitions, plus nous empirons la situation et mettons en danger la vie de la planète. Par rapport à une limite de 1,5°C, un réchauffement de 2°C aurait des conséquences beaucoup plus graves : par exemple, 2 fois plus de personnes souffriraient d’un stress hydrique, c’est-à-dire qu’elles seraient exposées à de graves pénuries d’eau dues aux périodes de sécheresse plus fréquentes et plus intenses. Les risques d’inondations seraient plus élevés avec la montée des eaux. Pour protéger la vie de dizaines de millions de personnes, il faut absolument renouveler et augmenter notre ambition pour un avenir plus durable.
Laurence Aubron - Jeanne Gohier
Jeanne Gohier est analyste sur la finance du climat chez Fideas Capital, qui propose aux Européens d’investir « Smart for Climate », c’est-à-dire de prendre en compte les enjeux du réchauffement climatique dans leurs placements.
Tous les éditos "Smart for Climate" de Jeanne Gohier sont à retrouver juste ici
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