Cette semaine avec Jeanne Gohier, nous parlons des baleines, des mammifères qui font l’objet de recherches scientifiques car elles possèdent des capacités extraordinaires. Elles seraient notamment capables de stocker du carbone, pouvez-vous nous expliquer ?
Ce sont des animaux remarquables en effet ! Et pas seulement parce qu’elles parcourent des milliers de kilomètres tous les ans, ce sont aussi de véritables puits de carbone. Si vous vous souvenez bien, un puits de carbone est une entité capable d’absorber du dioxyde de carbone : les arbres et les océans sont les deux exemples les plus connus. Les océans absorbent le CO2 de deux manières : soit le gaz se dissout directement dans l’eau, et est transporté par les courants froids vers les fonds marins ; soit le dioxyde de carbone est capté par le phytoplancton par photosynthèse.
Qu’est-ce que le phytoplancton et quel rapport avec les baleines ?
Le phytoplancton c’est une sorte de poumon planétaire. Il s’agit d’un ensemble de milliers d’espèces, qui rassemble des microalgues et des bactéries essentiellement. Il évolue dans les milieux marins, et souvent il suit les courants océaniques. Comme il est constitué de végétaux, il peut faire de la photosynthèse comme les arbres, c’est-à-dire qu’il peut absorber du dioxyde de carbone, de la lumière et des minéraux pour pousser et rejeter du dioxygène.
Les scientifiques ont observé que là où il y a des baleines, il y a un accroissement de la production de phytoplancton, ceci pour deux raisons. Les déjections des baleines contiennent notamment du fer et de l’azote, deux nutriments essentiels à la croissance du phytoplancton. Par ailleurs les baleines font des mouvements verticaux dans les océans : en remontant elles ramènent à la surface des éléments chimiques comme le phosphore qui sont là encore essentiels à la croissance du phytoplancton, et qui sont souvent rares à la surface des mers et des océans.
Est-ce que les baleines pourraient contribuer de manière significative à la baisse des émissions de CO2 ?
Si leur population augmente oui ! Les baleines ont été chassées pendant des décennies, mais aujourd’hui ce n’est plus la raison principale pour laquelle leur population diminue. Les percussions avec les bateaux, notamment les porte-conteneurs, la prise au piège dans les filets de pêche, la pollution plastique et la pollution sonore sont responsables d’une diminution inquiétante du nombre de baleines. Aujourd’hui elles seraient un peu plus de 1,3 millions. Si un effort était fait pour augmenter leur population à 4 ou 5 millions d’individus, ce qui correspond à la population avant que la pêche à la baleine ne se soit répandue, les baleines pourraient contribuer à l’absorption de 1,7 milliards de tonnes de CO2 par an, soit 4% des émissions de CO2 issues des activités humaines !
Ce serait remarquable ! Comment faire en sorte de protéger la population des baleines et d’augmenter le taux de reproduction ?
Plusieurs solutions sont possibles ; certains économistes préconisent d’employer la même méthode que pour la préservation des forêts et la lutte contre la déforestation. Il s’agit de donner une valeur monétaire aux baleines, en reconnaissant qu’elles contribuent à l’absorption des émissions de gaz à effet de serre. Il faut ensuite fournir des incitations ou des compensations financières aux entreprises du commerce maritime pour la protection des populations de baleine. Par exemple, on compense financièrement la déviation des routes maritimes pour éviter d’éventuelles collisions avec les baleines.
Les baleines sont donc d’une grande utilité pour la planète, est-ce qu’elles inspirent les scientifiques pour d’autres raisons ?
Oui tout à fait, d’autres propriétés des baleines intéressent les chercheurs et les ingénieurs. Par exemple, une startup travaille au développement d’un hydrofoil, une sorte de nageoire fixée à l’arrière des gros navires, comme une queue de baleine. Cela permettrait d’améliorer l’hydrodynamique des bateaux et de consommer 20 à 30% de moins de carburant… et donc d’émettre moins de gaz à effet de serre ! Les cannelures sur les nageoires des baleines inspirent d’autres scientifiques pour réduire le bruit des pales d’éoliennes. Les baleines sont vraiment des animaux fascinants, qu’il faut absolument préserver et protéger.
Laurence Aubron - Jeanne Gohier
Jeanne Gohier est analyste sur la finance du climat chez Fideas Capital, qui propose aux Européens d’investir « Smart for Climate », c’est-à-dire de prendre en compte les enjeux du réchauffement climatique dans leurs placements.
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