Jeanne Gohier est analyste sur la finance du climat chez Fideas Capital, qui propose aux Européens d’investir « Smart for Climate », c’est-à-dire de prendre en compte les enjeux du réchauffement climatique dans leurs placements.
Le Haut Conseil pour le climat a publié un rapport sur l’empreinte carbone de la France, en alertant sur le niveau des émissions importées. Pouvez-vous nous rappeler ce qu’est l’empreinte carbone ?
Nous l’avions évoqué la dernière fois, l’empreinte carbone d’un pays, d’une entreprise ou d’un individu, c’est l’ensemble des émissions qu’on peut lui attribuer parce qu’il en est responsable, que cela soit directement ou indirectement.
Pour la France, ce sont les émissions liées à la demande finale intérieure de notre pays : pour tous les biens et les services produits chez nous mais aussi ceux produits à l’étranger - ce sont les fameuses émissions « importées ». Pour être claire, ce n’est pas parce qu’on produit le bien que nous consommons en Chine et pas en France que l’on émet moins de carbone !
Revenons aux entreprises. Comment est-ce qu’on détermine leur empreinte carbone ?
On va faire un calcul en suivant un protocole qui détermine selon les activités de l’entreprise les différents périmètres ou les « scopes » de ses émissions (c’est un terme un peu jargonneux). De même que pour un pays, on va considérer que les émissions d’une entreprise sont celles dont elle est directement et indirectement responsable.
Prenons l’exemple d’un constructeur automobile. Vous allez enfin pouvoir vous décider à acheter ou non une voiture électrique ! Pour calculer son empreinte carbone, on va additionner :
- Les émissions directes (les émissions « scope 1 »), c’est-à-dire tout ce que le constructeur émet dans les usines de production des véhicules.
- Il y a ensuite les émissions dites « scope 2 » liées à la production de l’électricité qu’il utilise. C’est un point important : ce constructeur peut choisir une électricité produite à partir de charbon, sa note sera mauvaise ; ou une électricité verte, son empreinte carbone sera améliorée.
- Enfin, il y a toutes les émissions dont il est responsable indirectement. Vous l’aurez deviné, ce sont les émissions de « scope » 3 : ce sont par exemple les émissions issues de la production des pièces détachées ou liées au transport de ces pièces détachées vers les usines automobiles, le déplacement des employés pour aller au travail, ou encore les émissions des consommateurs lorsqu’ils utilisent du carburant …
En bref, vous voyez bien que l’empreinte carbone prend en compte les émissions sur toute la chaine de production.
Est-ce que vous considérez que les entreprises ont réellement le pouvoir de réduire toutes ces émissions ?
Oui, au moins en grande partie et surtout pour les très grandes entreprises qui peuvent bien choisir leurs fournisseurs d’électricité, leurs autres fournisseurs, définir une stratégie produit, etc.
D’ailleurs un nombre croissant d’entre elles s’engagent sur des objectifs de réduction.
Concrètement est ce que l’empreinte carbone est très utilisée par les investisseurs ?
Oui, de plus en plus. Les investisseurs ont commencé à prendre en compte l’impact des entreprises sur le développement durable et à exclure les entreprises qui ne font aucun effort de réduction des émissions. L’empreinte carbone est très utile pour cela, car c’est une mesure qui permet de comparer les entreprises au sein d’un même secteur.
Vous nous avez parlé des investisseurs. Qu’en est-il des consommateurs ?
Plus les consommateurs seront au courant de l’empreinte carbone liée aux produits qu’ils achètent, plus ils en tiendront compte dans leur vie quotidienne. Je pense que les applications grand public vont se développer sur ce point. Des applications, un peu comme Yuka, permettront de comparer les empreintes carbone de tous les produits de consommation courante. Et si les consommateurs ont le dernier mot, les entreprises font bien de s’y préparer dès aujourd’hui, et les investisseurs d’y prêter attention.