Jeanne Gohier est analyste sur la finance du climat chez Fideas Capital, qui propose aux Européens d’investir « Smart for Climate », c’est-à-dire de prendre en compte les enjeux du réchauffement climatique dans leurs placements.
Parmi les solutions avancées au problème du réchauffement climatique, les énergies renouvelables trouvent une place de premier plan. En Europe, que pouvez-vous nous dire sur le développement de l’éolien ?
L’éolien est l’un des rares secteurs des énergies renouvelables où l’Europe a un véritable leadership. L’année 2019 a d’ailleurs été marquée par le développement du parc installé qui a permis à la filière éolienne de fournir 15% de l’énergie consommée en Europe.
Tous les pays européens sont-ils également concernés?
Et bien non ! Si le Danemark, l’Irlande, le Portugal et l’Allemagne comptent parmi les bons élèves, la Finlande, le Luxembourg ou la Hongrie sont en queue de classement.
Quelles en sont les causes d’après vous ?
Ces disparités sont d’abord causées par les contraintes naturelles : un manque de place sur les terres et des conditions de vent inégales, sachant que 2 fois plus de vent, c’est 8 fois plus d’énergie produite ! D’autre part on note un développement limité de l’éolien offshore, c’est-à-dire en mer, pour les pays pouvant bénéficier de cette possibilité. C’est un point important car l’une des limitations au développement de l’éolien provient des réticences sociales à accepter des mats dans les campagnes.
On entend aussi des détracteurs de l’éolien qu’il n’est pas « si propre que cela ».
Il est vrai que les fondations des éoliennes terrestres sont constituées de centaines de tonnes de béton, ainsi que d’acier pour les pylônes et les mâts. Cependant, ces deux secteurs innovent et diminuent leur trace carbone. En outre, l’implantation des éoliennes est encadrée par des réglementations stipulant que la plupart des matériaux doivent pouvoir être recyclés ou réutilisés après démantèlement.
La production d’énergie éolienne est-elle LA solution au problème du réchauffement climatique ?
Comme la transition énergétique consiste à graduellement électrifier l’énergie, les éoliennes font partie de la solution Aujourd’hui, elles représentent environ 20% des dépenses énergétiques mondiales. Elles sont importantes mais elles ne suffiront pas.
Hormis les contraintes naturelles, y a-t –il d’autres obstacles à leur développement ?
Il y a aussi des verrous technologiques qui sont liés à l’intermittence du vent. Pour vous donner une idée, tout se passe comme si le parc éolien ne produisait de l’électricité que 3 mois sur 12. En plus, la cadence de production n’est pas en phase avec la demande.
Existe-t-il des pistes pour résoudre ce problème ?
Les solutions sont essentiellement liées au développement de méthodes de stockage qui permettent de libérer l’électricité produite quand les consommateurs en ont besoin. Parmi les pistes intéressantes, nous pouvons citer la production d’hydrogène, ou encore les Stations de Transfert d’Energie par Pompage qui utilisent l’énergie produite par les éoliennes en « heures creuses » pour transférer de l’eau entre deux bassins situés à des altitudes différentes. Selon les besoins, cette énergie stockée dans le bassin supérieur peut être restituée à travers une turbine. Ces techniques présentent l’avantage de produire une électricité marginalement peu coûteuse. Toutefois, elles ont des rendements faibles et en cas de forte demande, l’énergie produite doit être complétée par d’autres sources, malheureusement souvent issues des énergies fossiles.
Avons-nous des sociétés leaders du secteur éolien en Europe ?
Oui, nous pouvons par exemple citer la danoise Vestas ou encore Enercon pour l’Allemagne, mais aussi l’espagnole Gamesa. Il y a aussi les grandes entreprises de l’énergie - pétrolières notamment - qui financent beaucoup de projets, notamment d’éolien offshore qui bénéficie de leur savoir-faire.
Pour conclure, l’énergie éolienne devrait jouer un rôle important dans la transition énergétique, en complément d’autres énergies à faible impact sur le climat, et non en remplacement de celles-ci.
Pour accompagner ce mouvement, les investisseurs doivent prêter attention aux producteurs d’énergie qui s’engagent sur cette voie et aux acheteurs d’énergie qui la privilégient.
Crédits photo: Flickr