Tous les mardis sur euradio, la spécialiste en affaires européennes et relations franco-allemandes Marie-Sixte Imbert analyse et décrypte les derniers événements et enjeux des relations franco-allemandes.
Ce week-end s’est clos la COP27, grand-messe annuelle sur le climat, sur un bilan en demi-teinte. Une première question : la COP, qu’est-ce que c’est ?
C’est la conférence de l’organisation des Nations unies sur les changements climatiques : sa 27e édition s’est tenue pendant 15 jours, en novembre, à Charm el-Cheikh, en Égypte. Avec comme objectif de faire le point sur les engagements pris par les États afin de respecter l’objectif fixé lors de la COP21 à Paris en 2015 : il s’agissait de limiter le réchauffement de la planète à 2°C, et dans l’idéal 1,5°C, d’ici 2100 par rapport à l’ère pré-industrielle. Un objectif très ambitieux : nous sommes déjà, en 2022, à +1,2°C en moyenne, et les engagements des États sont encore loin du compte.
Face à la crise climatique et environnementale, l’effondrement de la biodiversité, et sur fond de guerre en Ukraine, pourquoi cette COP a-t-elle fini mi-figue, mi-raison ?
Les désaccords sur les définitions, les critères d’évaluation, le financement restent légions. Cette COP27 a permis d’acter la création d’un fonds “pertes et dommages”, qui doit aider les pays les plus vulnérables à faire face au changement climatique - mais la question de son financement, pourtant centrale, n’est pas réglée. On peut déplorer également l’absence d’avancées notables en matière de sortie des énergies fossiles, ou d’agriculture par exemple.
Un risque majeur a sans doute néanmoins été écarté : celui d’un éclatement entre pays développés et en voie de développement. Ceci sur fond de responsabilité historique différenciée en matière de réchauffement, et donc de responsabilité, notamment financière, accrue pour les pays développés. L’Afrique représente ainsi 17 % de la population mondiale mais seulement 4 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre, et 0,5 % des émissions historiques. Et on estime que l’Afrique émet moins d’1 tonne de CO2 par an par personne, contre 7 en Europe ou en Chine, 15 aux États-Unis.
Quel rôle pour la France et l’Allemagne dans ces négociations climatiques ?
L’Union européenne entend assumer un leadership mondial en matière de climat. Ses objectifs sont ambitieux, avec notamment la neutralité carbone d’ici 2050, objectif d’ailleurs avancé à 2045 pour l’Allemagne. On compte également des politiques publiques de réduction des émissions de gaz à effet de serre, de lutte contre la pollution, de développement des énergies renouvelables… Pour atteindre collectivement l’objectif de 2°C à 1,5°C, chaque État, chaque région est libre des moyens mis en œuvre.
Au sein de l’UE, la coordination est forte en matière d’engagements, de politiques publiques, de positions internationales : c’est notamment le cas lors de ces COP - et c’est bien pour ça que je commençais par cette échelle européenne. Au sein de l’UE, Paris et Berlin entendent assumer un rôle clé en matière climatique. C’était l’une des ambitions majeures de la présidence française du Conseil de l’UE au premier semestre 2022, c’est un objectif clé de l’actuelle coalition en Allemagne. Le travail est immense : protection de l’environnement, de la biodiversité, transition énergétique, transformation des modèles économiques et industriels, mais également en matière de justice sociale.
Des engagements particuliers ont-ils été pris ?
L’Allemagne a augmenté de plus d’un tiers les fonds publics destinés au financement international de l’action climatique, pour atteindre 5,3 milliards d’euros en 2021 - avec un objectif de 6 milliards par an d’ici 2025. Berlin a également annoncé pendant la COP27 vouloir financer à hauteur de 170 millions d’euros le bouclier mondial contre les risques climatiques - un projet né sous présidence allemande du G7. Ou également augmenter de 60 millions d’euros sa contribution au Fonds mondial pour l’adaptation. Et Olaf Scholz a appelé les participants à la COP27 à rejoindre le “club climat” qu’il a proposé en 2021 et fait accepter en juin 2022 au G7. Ce “club climat”, c’est une “structure de dialogue et de coopération minilatérale entre les pays participants permettant de créer des règles communes adaptées aux objectifs climatiques” selon Joseph Dellatte pour l’Institut Montaigne.
A l’échelle intérieure, il sera intéressant d’examiner le “vaste programme d’urgence pour la protection du climat” que la coalition fédérale doit présenter d’ici fin 2022 : ce programme “doit permettre d’atteindre l’objectif climatique à l’horizon 2030, [...] une réduction de 65 % des émissions de gaz à effet de serre” selon le gouvernement fédéral. L’enjeu est clé : si l’Allemagne a l’image d’un pays engagé en matière d’environnement, il reste un important émetteur de gaz à effet de serre, et grand pollueur, un point dont nous avions parlé l’année dernière ensemble. Avec une coalition fédérale complexe à unir, entre les Verts défenseurs historiques de l’environnement, ou les libéraux plus attentifs aux questions économiques ou de finances publiques.
Quel bilan en France et en Allemagne de cette COP ?
La Ministre fédérale des Affaires étrangères, Annalena Baerbock, a parlé d’”espoir et [...] frustration” : “Nous avons fait une percée en matière de justice climatique [mais] le monde perd un temps précieux sur la trajectoire de 1,5 °C“. La Ministre française de l’Energie, Agnès Pannier-Runacher, expliquait également au Parisien qu’”on espérait aller plus loin”.
Cette COP27 terminée, il reste à préparer la suivante : Emmanuel Macron a d’ores et déjà proposé d’organiser un sommet pour établir “un nouveau pacte financier avec les pays les plus vulnérables”, tandis qu’Olaf Scholz avance son “club climat”. Et il reste à avancer en matière de politiques publiques nationales et européennes : la France comme l’Allemagne et l’UE dans son ensemble sont sans doute sur la bonne voie, mais avancent sans doute encore trop lentement au regard de l’urgence. Une urgence dont la prise de conscience au sein des populations s’est sans doute cristallisée ces dernières années.
Entretien réalisé par Laurence Aubron.