Cette semaine, nous retrouvons Marie-Sixte Imbert, directrice des opérations de l’Institut Open Diplomacy, pour sa chronique “Relations franco-allemandes”.
La lutte contre le changement climatique est une priorité du nouveau gouvernement fédéral en Allemagne. Avec l’annonce d’un plan d’urgence la semaine dernière, que faut-il attendre comme changements ?
Le ministre fédéral de l'Économie et de la Protection du climat, le Vice-chancelier Robert Habeck, a tiré la sonnette d’alarme le 11 janvier dernier. Les émissions de gaz à effet de serre du pays ont recommencé à augmenter en 2021, tandis que la production d’énergie renouvelable a été réduite au plus bas depuis deux ans. Les objectifs climatiques de 2021 ont été manqués, et ceux de 2022, 2023 et 2030 risquent aussi de l’être. L’ambition est donc de “tripler le rythme de réduction des émissions” de la quatrième économie mondiale. Autrement dit, passer d’une réduction en moyenne de 15 millions de tonnes par an entre 2010 et 2020, à plus de 40 millions par an d’ici 2030. La tâche est “gigantesque”, avec 3 mots d’ordre : accélérer le développement des renouvelables, stabiliser les prix de l’énergie, et exploiter le potentiel de l’innovation industrielle.
L’Allemagne est souvent perçue comme une championne du climat. Pourquoi un tel retard ?
Un retard “draconien”, néanmoins sans doute généralisé face à l’urgence climatique. Mais l’Allemagne, et l’Union européenne d’ailleurs, ne peuvent s’en contenter. Le pays reste l’un des principaux pollueurs de l’UE, environ deux fois plus que la France.
Ce plan d’urgence entend donc sortir du statu quo des années Merkel”. L’accord de coalition a ainsi soulevé de grandes attentes. Parce qu’il entend engager une réforme en profondeur du pays. Parce qu’il place le climat au cœur des ambitions fédérales. Et parce que pour la première fois un super-ministère rassemble à la fois l'Économie, l’Énergie et le Climat, sous la responsabilité d’un Vert.
Quels sont donc ces objectifs en matière de climat ?
Commençons par la neutralité carbone : l’Allemagne entend l’atteindre en 2045, cinq ans avant l’UE. La neutralité carbone, c’est l’équilibre entre les émissions de CO2 et leur retrait de l’atmosphère. Or selon les projections, en l’état, ces émissions ne seraient réduites que de 50 % d’ici 2030, contre un objectif d’au moins 65 %.
Les modèles français et allemand de mix énergétique sont quant à eux bien sûr différents. Pour le charbon, la coalition fédérale prévoit d’en sortir “dans l’idéal” en 2030, contre 2038 précédemment. Les dernières centrales nucléaires allemandes doivent elles être arrêtées d’ici fin 2022. Tandis que la part du gaz naturel a augmenté : il représentait un quart de la consommation intérieure en 2020 - nous en parlions la semaine dernière à propos de Nord Stream 2.
Mais avec le plan d’urgence, la part des renouvelables doit encore augmenter d’ici 2030, avec un objectif porté de 65 % à 80 %. Et ce alors que les besoins augmentent. Pour citer Hélène Kohl dans son PodKast, cela veut dire installer 25 à 38 éoliennes par semaine, contre 7 à 10 aujourd’hui. Alors qu’elles sont déjà trois fois plus nombreuses qu’en France, et que les réticences locales sont nombreuses. La coalition entend leur réserver 2 % du territoire de chaque Land.
La coalition tricolore fait donc face à de nombreux défis internes, sans compter des discussions européennes compliquées.
La politique de l’Allemagne n’est effectivement pas sans conséquences pour ses voisins, dans un contexte d’énergie chère. Et on l’a vu, l’Allemagne et la France connaissent des situations bien différentes. Un désaccord majeur les oppose notamment sur le nucléaire. Et donc sur la taxonomie européenne - c’est le nom de la classification des activités économiques qui ont un impact favorable sur l'environnement. Le SPD s’arrange de l’inclusion du nucléaire, mais cela hérisse les Verts. Finalement, la transition climatique constitue un pari, immense, mais nécessaire.
Photo : Crédit : AP Photo / Markus Schreiber
Marie-Sixte Imbert au micro de Cécile Dauguet