Dans cette chronique, Nathalie Richard, coach et facilitatrice en transition intérieure et gardienne d’un écolieu dans le Finistère, tente de démystifier un sujet aussi mal compris qu’oublié : la spiritualité.
Cette semaine on va parler de lucidité et se demander si ce ne serait pas un cadeau empoisonné.
Oui et j’y viens dans un instant.
Car j’avais promis de continuer à parler du sujet passionnant évoqué lors de la dernière chronique : la robustesse.
Mais pour être transparente, ce n’est pas ce qui était le plus vivant au moment de prendre mon clavier ce WE alors j’ai changé d’avis et en effet cette semaine nous allons parler de lucidité.
Alors pourquoi ce sujet et qu’est-ce que vous entendez par là Nathalie ?
La semaine dernière, par 2 fois, j’ai été glacée.
Non pas de froid, j’étais bien au chaud chez moi ou dans un bureau, mais par ce que j’écouté et regardé.
Le 1er glaçage - si j’ose dire - a eu lieu alors que je visionnais une vidéo avec mon équipe de travail à l’université. Visionnage que j’avais initié devrais-je préciser.
Cette vidéo était l’épisode 1 d’une initiative appelée ‘The week’, une expérience de groupe pour comprendre ce qui se profile pour le monde en terme d’effondrement écologique et social et ce que nous pouvons faire à ce sujet.
L’épisode 1 est le 1er d’une série de 3 et c’est le plus difficile émotionnellement, car on y regarde en face ce qui nous attend sans détourner le regard.
En réalité, on regarde en face ce qui est déjà là.
Et effectivement c’était éprouvant.
Mais la surprise, c’est que je ne m’y attendais pas vraiment.
Comment ça vous ne vous y attendiez pas vraiment ?
Et bien, j’en ai vu des documentaires, un paquet depuis ma prise de conscience écologique en 2018.
C’était même une boulimie au début. J’avais besoin de comprendre ce qui se passait sans doute pour retrouver du contrôle sur ce que je découvrais.
Et puis je travaille sur ces sujets depuis quelques années maintenant donc je croyais que je savais.
Car on croit toujours qu’on sait.
Plus qu’un manque d’humilité, c’est surtout un mécanisme bien déguisé de résistance aux choses difficiles à encaisser.
Là, le documentaire est venu me percuter profondément et mes résistances un tant soit peu présentes au début ont vite volé en éclat.
Pourquoi avec ce documentaire là ?
Je crois que l’exhaustivité des constats, sans être indigeste, combinée à la justesse de son ton ont beaucoup joué. Un ton calme et chaleureux mais sans détour ou édulcorant pour autant.
Jusque-là, il me semble que j’avais bien saisi les faits mais de manière morcelée, comme si j’avais les pièces du puzzle ici et là éparpillées mais pas encore rassemblées.
Ma tête avait compris mais mon cœur et mes tripes n’avaient pas encore pleinement percuté.
Peut-être que je me sentais encore d’une certaine manière (encore) en dehors de tout ça.
Et peut-être aussi qu’on n’a jamais fini de réaliser ce qui est entrain de nous arriver.
Mais ce n’est pas un peu maso alors de vouloir comprendre et rester informé.e ?
Bah c’est aussi la question que je me pose parfois.
A quel moment rester branché.e aux infos devient toxique pour notre santé mentale et à quel moment c’est une nécessité de rester en prise avec le monde ?
Il m’arrive bien souvent de vouloir tout débrancher tant ça va vite, tant j’ai du mal à digérer et tant c’est douloureux ces derniers temps.
Il m’arrive parfois de préférer ne pas savoir ce que je sais.
Heureux les simples d’esprit comme on dit.
Je me dis que je dois me concentrer sur ce qui me met en joie, sur ce que j’ai à faire plutôt que de m’inquiéter pour ce qui me dépasse et sur lequel je n’ai pas de levier.
Et en même temps, je ne peux me résoudre à lâcher. J’ai trop besoin de comprendre.
Pour moi, c’est ça aussi accomplir ma citoyenneté même si le prix à payer est de plus en plus élevé.
Alors que suggérez-vous Nathalie in fine ?
Et bien je ne sais pas pour être honnête.
Et je suis bien consciente que cette chronique n’est pas des plus gaies.
Alors loin de moi l’idée de prodiguer des conseils, je souhaite plutôt partager quelques réflexions qui pourront peut-être éclairer.
J’ai la sensation que nous naviguons sur une ligne de crête, entre lucidité ET savoir se préserver.
Ce n’est pas l’un ou l’autre. C’est l’un et l’autre.
Savoir jongler entre les deux est indéniablement précieux par les temps qui courent.
J’aime aussi me rappeler que la lucidité renvoit à la lumière, du latin ‘luciditas’ : clarté, splendeur.
C’est ce que propose certaines pratiques de transition intérieure d’ailleurs : apprendre à traverser nos émotions les plus difficiles : la colère, la peur, la tristesse pour voir ce qu’elles réveillent, ce qu’elles nous révèlent, ce vers quoi elles nous mettent en mouvement, et ce qu’elles nous laissent après nous avoir pleinement traversé.
La lucidité nous sort de notre confort, c’est certain.
"La lucidité est la blessure la plus proche du soleil." disait Réné Char.
Mais elle nous offre un cadeau que personnellement jamais je ne refuserai celui de pouvoir choisir ce que je fais une fois que je sais.
Un entretien réalisé par Laurence Aubron.