Chaque mois, les Jeunes Européens de Strasbourg analysent un élément d'actualité européenne.
Pour cette édition, Elisa Clolot revient sur différentes actualités en Europe, notamment les suspensions de mosquées turques qui se sont multipliées dans plusieurs pays européens depuis 2023. Soupçon d'ingérence étrangère, soft power du gouvernement turc mené par Recep Tayyip Erdoğan, voire violation des valeurs fondamentales européennes, les Etats de Belgique et d'Allemagne ont ainsi demandé des explications à Ankara, et plus précisément à l'Union turco-islamique des affaires religieuses. On en discute avec Elisa.
Ce mois-ci, c’est Elisa qui est à l’antenne ! Bonjour Elisa, de quoi vas-tu nous parler ?
Bonjour Romain ! Je vous emmène dans des mosquées turques en Europe qui ont vu se multiplier les annonces de suspension de leurs activités par des gouvernements. Cela a été le cas pour 3 mosquées turques en Belgique en 2023, et une autre en 2024. Un autre pays européen, l'Allemagne, demande quant à elle, des explications à l'Union turco-islamique des affaires religieuses.
Quel est le lien entre ces mosquées et la Turquie ?"
Le point commun c'est qu'elles dépendent de la Diyanet, qui est la Direction, ou le Ministère des affaires religieuses en Turquie. Avec sa branche européenne, la Ditib, le réseau administre ainsi environ 1500 mosquées notamment en Allemagne, en Belgique, mais aussi en Autriche, au Danemark ou encore aux Pays-Bas."
Qu’est-ce que la Belgique et l’Allemagne leur reprochent, à ces mosquées ?
Alors, depuis 2021, la Belgique veut contrôler les ingérences étrangères et a adopté une loi qui rend entre autres obligatoire d’avoir un registre qui consigne tous les dons qui ont été reçus. Le ministre belge chargé de la question a préféré ne pas s’étendre sur le sujet, mais ce qu’on sait, c’est qu’il y a 9 mosquées qui ont reçu un avertissement, qui avaient jusqu’à novembre pour se régulariser, et 3 qui sont en procédure de suspension. Pour les mosquées en suspension, ça veut dire qu’elles perdent leurs avantages immobiliers, les soutiens financiers publics, alors que les imams en Belgique sont fonctionnaires de l’Etat fédéral, mais ça veut dire aussi qu’un imam qui voudrait aller y faire un prêche ne pourra pas avoir d’autorisation de séjour.
Et en Allemagne ?
Pour l’Allemagne, c’est l’intervention d’un taliban haut placé lors d’une conférence qui a posé problème. Ça s’est passé à Cologne en novembre 2023 dans une mosquée qui dépendait de la Diyanet. Ce n'est pas la première fois que le gouvernement allemand a la Turquie dans le viseur puisqu’en 2017, Berlin avait déjà soupçonné 17 fonctionnaires religieux d’avoir des activités d’espionnage au service de la Turquie, même si au final les preuves avaient été jugées insuffisantes.
D’accord. Est-ce qu’en France il y a déjà eu des cas similaires d’ingérence turque ?
Oui, d’ailleurs c’était ici, à Strasbourg. En 2023, pour les élections présidentielles en Turquie, les électeurs turcs avaient voté dans un local prêté par la Ditib. Or, ils auraient dû voter dans un consulat. Le contrôle d'Erdogan sur la Ditib, qui dépend donc de la Diyanet, combiné au caractère illégal des conditions dans lesquelles ont eu lieu ce vote, en violation de la loi française de séparatisme d'août 2021, a donc fait polémique.
Certains fonds européens, comme par exemple des fonds du programme Erasmus+, utilisés pour les intérêts du gouvernement turc posent aussi question. Que peut-on en dire ?
En fait, Erdogan utilise les financements Eramus + pour faire reculer l’islamophobie en Europe. Projet louable en soit, mais la visée d’Erdogan est derrière ce combat, d’instrumentaliser l’islam et de diffuser la lecture sunnite du Coran, comme outil de softpower de l’Etat turc.
Et as-tu un exemple de projet turc contre l’islamophobie financé par Erasmus+, et en quoi cela pose-t-il problème au final ?
Eh bien cela pose problème lorsque les associations porteuses de ces projets Erasmus+, donc les bénéficiaires de ces financements européens, ont des liens étroits avec les frères musulmans, une organisation islamiste dont sont issus certains mouvements comme par exemple le Hamas, qualifiés de terroristes par l'Union européenne et la majorité de la Communauté internationale.
Enfin, je pense au projet Erasmus+ « let’s say stop to islamophobia », dont parmi les partenaires se trouvent :
- la fondation new world (Yeni Dunya Vakfi) : son président Mahmut Göksu est prédicateur et a participé à la création de l’AKP, le parti politique de Erdogan. Le Metamo Education Center aussi, une organisation officiellement belge, mais dont le président turc Birol Akgun, se réjouissait de l’expansion de la Diyanet et de l’islam. Enfin nous aurions aussi pu parler de la European Muslim Union , et de son président converti Andreas Abu Bakr, qui est accusé d’antisémitisme, fait des discours devants des djihadistes a Cologne et a intègré une secte salafiste internationale, les soldats de la libération. Vous l’avez compris, tout n’est pas clair en Turquie et dans la façon dont cet Etat utilise les fonds européens.
Merci Elisa, et merci à toutes et à tous pour votre attention !