À propos d’Elise Bernard : Docteur en droit public, enseignante à Sciences-Po Aix et à l'ESSEC, décrypte chaque semaine les traductions concrètes, dans notre actualité et notre quotidien, de ce grand principe fondamental européen qu’est l’État de droit. Ses analyses sont publiées sur la page Europe Info Hebdo.
L’État de droit c’est la détermination et la défense des droits fondamentaux, on l’a vu, mais comment assurer son caractère démocratique ?
La démocratie, c’est ce qui implique l’association des citoyens aux décisions au sein d’une société. Les droits fondamentaux, on l’a vu Laurence, assurent la dignité humaine, protègent les citoyens contre l’arbitraire et les atteintes disproportionnées à leurs libertés. Eh bien l’État de droit promeut la démocratie en obligeant la puissance publique à rendre des comptes quant à cette protection des droits fondamentaux.
Mais les États sont souverains par principe, ils ne garantissent pas la démocratie par les mêmes moyens dans tous les contextes juridiques, historiques, politiques ou sociaux.
Bien sûr, mais malgré ces variations, on observe quand même une tendance générale : l’obligation positive de la puissance publique de garantir une protection juridique effective pour le plus grand nombre. Une « obligation de protéger » en quelque sorte.
L’État de droit démocratique c’est assurer la sécurité juridique pour tous alors ?
Tout à fait. On aime bien rappeler que nul n’est censé ignorer la loi mais il ne faut pas oublier que l’État de droit impose à la puissance publique de rendre la loi accessible. Et cela va même plus loin, elle doit être prévisible, stable et cohérente à la fois.
C’est pour cela que la loi évolue au fur et à mesure des circonstances, mises en exergue par les actions militantes et les actions en justice.
C’est bien cela. Si je signe un contrat je souhaite qu’il soit exécuté, c’est normal, si j’ose dire. S’il n’est pas exécuté, je compte sur la justice pour venir m’aider. La justice de mon pays, celle de l’Union européenne ou celle de la Cour EDH, en fonction des matières où les arguments sont mis en balance.
Mais ce n’est pas forcément évident, si un petit producteur français veut vendre dans un autre pays européen, quel juge va venir l’aider s’il y a un problème dans l’exécution du contrat ?
C’est le grand manque du marché unique européen. Les grandes entreprises et leurs services juridiques sont tout à fait préparés à cela ! mais les PME, on comprend qu’elles craignent de prendre ce risque.
La sécurité juridique n’est pas totalement assurée.
Dans l’absolu, ce n’est jamais le cas, c’est un idéal à atteindre. Et pour y arriver, en matière de marché unique et maximiser les chances pour les PME d’acheter et vendre sans difficulté dans toute l’Europe, il existe des initiatives comme l’élaboration d’un Code européen des affaires. En d’autres termes faire en sorte que le droit du commerce, dans toute l’Europe, soit accessible à tous.
Compiler ainsi les textes, c’est un travail considérable on est bien d’accord, c’est une façon évidente de rendre le droit du commerce prévisible, stable et cohérent à la fois. Ces activistes du Code européen des affaires réclament donc aux Etats membres de l’UE des comptes quant à l’accès serein et sûr au marché européen, pour toutes les tailles d’entreprises.
Entretien réalisé par Laurence Aubron.