Europe Puissance

RESourceEU : l'Europe reprend la main sur ses matières premières

Photo de Jean-Philippe Delberghe sur Unsplash RESourceEU : l'Europe reprend la main sur ses matières premières
Photo de Jean-Philippe Delberghe sur Unsplash

Toutes les deux semaines, retrouvez Romain Le Quiniou sur Euradio avec sa chronique Europe Puissance, qui parle des faiblesses européennes sans tabou pour mieux imaginer l’Europe stratégique de demain.

On retrouve tout de suite Romain Le Quiniou, Directeur général d’Euro Créative pour sa chronique Europe Puissance. Romain, l’Europe l’attendait depuis longtemps : un plan stratégique pour sortir de la dépendance aux terres rares et autres métaux critiques. C’est chose faite depuis le 3 décembre et la publication du plan RESourceEU,  expliquez-nous pourquoi c’était devenu si urgent.

Cela fait des décennies que l’Union européenne dépend massivement de pays tiers pour ses matières premières critiques. Et en particulier de la Chine ! Terres rares, graphite, lithium, cobalt, magnésium, et j’en passe. 

Ces matières on les retrouve tout simplement partout. Dans nos voitures électriques, nos éoliennes, nos cigarettes électroniques, nos téléphones, nos fusées, nos missiles, nos drones, nos futurs robots etc, etc. 

Bref, sans un minimum de contrôle de ces ressources, parler d’autonomie stratégique aura bon dos. 

Pour certaines ressources vitales, l’UE dépend quasi totalement de l’étranger : elle importe par exemple 100 % de ses besoins en terres rares lourdes depuis la Chine, et reste très largement dépendante des importations pour le graphite ou le lithium, où la Chine domine là aussi la production et la transformation.

Inutile de préciser que cela rend l’Europe extrêmement vulnérable : un embargo, un contrôle à l’exportation, un bouleversement géopolitique et hop des pans entiers de notre industrie sont paralysés: de l’énergie au numérique, en passant par l’automobile ou la défense. 

Voilà un sujet central à aborder par le Président Macron à Pékin ces jours-ci à l’heure où la Chine n’hésite pas à mettre en place des restrictions d’export pour certains matériaux afin de faire pression sur Bruxelles et la mise en place de tarifs douaniers à son encontre. 

C’est donc pour ça que l’UE a finalement décidé de bouger… Mais qu’a-t-elle déjà fait concrètement ?

Rassurez-vous, depuis quelques mois il y a une prise de conscience collective à Bruxelles de la gravité de la situation. 

L’an dernier, l’UE a adopté le Critical Raw Materials Act, destiné à structurer la chaîne d’approvisionnement des matières premières critiques sur le sol européen : de l’extraction au recyclage, en passant par la transformation. 

Objectifs affichés d’ici 2030 : 10 % des besoins couverts par extraction au sein de l’UE, 40 % par transformation sur le sol européen, et 25 % par recyclage. En outre, la loi impose qu’aucune matière stratégique ne provienne à plus de 65 % d’un seul pays tiers. Cela serait un vrai garde-fou contre une dépendance excessive. 

Loin de s’arrêter là, la Commission a jugé que ces mesures n’étaient qu’un début. En témoigne la présentation du plan d’action RESourceEU. 

Qu’en est-il de ce plan alors Romain ? 

RESourceEU, c’est le plan global de la Commission européenne pour sécuriser les approvisionnements en matières critiques: qu’il s’agisse d’extraction, de transformation, de recyclage, mais aussi de stockage stratégique, d’achats groupés et de diversification des chaînes d’approvisionnement. 

Concrètement, tout d’abord, c’est la mise en place d’un Centre européen des matières premières critiques qui sera chargé de coordonner la stratégie, de piloter un portefeuille de projets, d’organiser des achats communs et de préparer des stocks de sécurité.

Autour de ce Centre, l’UE prévoit de mobiliser jusqu’à 3 milliards d’euros sur les douze prochains mois pour soutenir des projets stratégiques capables de réduire rapidement nos dépendances, via différents instruments européens et la Banque européenne d’investissement.

Ensuite, l’effort se concentre sur la facilitation des projets miniers et de transformation en Europe avec des procédures d’autorisation simplifiées et un accès au financement renforcé.

En parallèle, il y aura une promotion massive du recyclage des aimants, métaux et autres déchets industriels afin de réduire les importations et renforcer la part de l’économie circulaire dans ce secteur. 

Enfin, on incite à la diversification des souces d’approvisionnement via la signature de partenariats internationaux avec des pays tiers.

Ok. Mais est-ce si facile de construire des mines ou de signer des partenariats internationaux ? On voit certaines voix s’y opposer. 

Absolument Laurence, vous faites probablement référence à l’accord de libre échange MERCOSUR raillé par une partie des citoyens européens, dont en France. 

Ou bien vous évoquez peut-être aussi des manifestations contre l’installation d’usines d’extractions de lithium ici et là travers l’Europe. 

Il faut le dire: un plan d’action comme RESourceEU ne se fera pas sans les citoyens européens. 

Si l’on veut relancer l’extraction, déployer de nouvelles infrastructures industrielles, nouer de nouveaux partenariats internationaux, il faudra convaincre.

Cela implique d’expliquer l’enjeu de souveraineté mais aussi d’insister sur la création d’emplois à travers la relocalisation industrielle ou sur l’importance des enjeux de résilience énergétique et technologique pour les questions de sécurité nationale. Il faudra aussi s’assurer du maintien des standards écologiques et environnementaux. 

Sans oublier un élément fondammental: la transparence. 

Finalement, on se rend compte que l’Europe puissance ne se construira que si les citoyens européens y adhèrent. 

L’Europe puissance, pour l’approvisionnement en matériaux critiques comme pour une multitude d’autres sujets, est donc finalement une responsabilité collective, elle dépend de chacun d’entre nous. 

Merci Romain Le Quiniou, on se retrouve dans deux semaines pour un nouvel épisode d’Europe puissance.

Un entretien réalisé par Laurence Aubron.