Elise Bernard, docteur en droit public et enseignante à Sciences-Po Aix et à l'ESSEC, décrypte chaque lundi sur Euradio les implications concrètes de l'État de droit dans notre actualité et notre quotidien. Ses analyses approfondies, publiées sur la page Europe Info Hebdo, offrent un éclairage précieux sur ce pilier fondamental de l'Union européenne.
L’Etat de droit européen se voit étendu avec les procédures d’élargissement de l’Union européenne, mais de plus en plus de voix se plaignent du fait que son extension ne garantit pas son renforcement !
C’est vrai Laurence. Et c’est d’autant plus vrai qu’avec l’invasion russe de l’Ukraine, la question de l’élargissement de l’UE est redevenue une priorité d’ordre mondial, selon les termes employés par Kaja Kallas.
La Commission européenne a rendu son rapport annuel sur l’état de préparation des pays candidats, on en a parlé sur ces ondes.
Eh bien à l’occasion de la publication de ce rapport, la présidente de la Commission a pu annoncer que “une UE plus large signifie une Europe plus forte et plus influente sur la scène internationale.”.
On comprend ces déclarations, mais il reste de nombreux obstacles qui empêchent toute avancée significative.
C’est ce qui trouble beaucoup de nos citoyens. Côté UE, l’organisation prévue par les traités actuellement en vigueur n’est pas adaptée à l’hypothèse d’un élargissement à 33 Etats membres. Et 33 c’est un minimum à moyen terme. C’est particulièrement le cas en matière de prise de décision. L’unanimité et le maintien d’un droit de veto pour chaque pays en matière de politique étrangère ou la présence d’un commissaire par Etat constituent aujourd’hui de véritables freins.
Dans l’actualité, on lit et entend souvent que, au Conseil, le processus de négociation de l’Ukraine est actuellement bloqué par un veto hongrois.
On devine pourquoi ce veto mais c’est bien compréhensible que de nombreux observateurs soient sceptiques globalement à propos de l’élargissement. Comment parler de réussite de l’extension du modèle si même la commissaire Marta Kos déplore la régression démocratique incroyablement rapide en Géorgie ?
C’est effarant ! Quand on se rappelle, à Tbilissi, ces manifestations monstres avec des drapeaux européen.
Malgré cela, eh bien les négociations sont suspendues, de facto. Ces citoyens réclament l‘Etat de droit européen mais le pays doit faire face aux déstabilisations du Kremlin. En Géorgie comme en Serbie, la rue est devenue le théâtre de ces tiraillements entre Moscou et Bruxelles, entre les modèles de l’Etat de droit et de l’oligarchie. En bref, il ne faut certainement pas reculer sur les critères mais trouver de nouveaux outils pour appuyer les promoteurs d’un Etat de droit exigeant dans ces pays.
Un entretien réalisé par Laurence Aubron.