Elise Bernard, docteur en droit public et enseignante à Sciences-Po Aix et à l'ESSEC, décrypte chaque lundi sur Euradio les implications concrètes de l'État de droit dans notre actualité et notre quotidien. Ses analyses approfondies, publiées sur la page Europe Info Hebdo, offrent un éclairage précieux sur ce pilier fondamental de l'Union européenne.
L’Etat de droit européen ce sont des élections libres et pacifiques mais l’actualité nous montre que pour un Etat candidat ex-soviétique, ce n’est encore pas une évidence !
C’est vrai qu’une élection parlementaire à haut risque se tenait ce mois de septembre 2025 en Moldavie. Clairement, depuis son indépendance, au moment de l’explosion de l’URSS en 1991, Moscou n’a cessé d’exercer une forte influence sur son ex-République fédérée via l’énergie, l’économie, les partis prorusses et les médias.
Moscou avait monté pour ces élections un plan hybride massif et inquiétant, le « plan Kirienko », combinant achat de votes, désinformation et financements occultes, pour détourner le pays de son orientation européenne.
Oui, en Moldavien plusieurs figures clés — le mouvement « Alternative » en particulier — agissent pour fragmenter l’électorat pro-européen et renforcer le camp prorusse. L’Église orthodoxe affiliée au Patriarcat de Moscou sert aussi de relais, au point que la Russie avait financé des pèlerinages de prêtres orthodoxes chargés ensuite de revenir prêcher la bonne parole poutinienne aux électeurs moldaves.
Malgré tout cela et un contexte économique difficile, le parti pro-européen PAS de la présidente de la République Maia Sandu conserve sa majorité absolue au Parlement avec 50,2 % des voix.
Eh oui! les résultats ont été certifiés par la Commission électorale, montrant une augmentation du nombre de voix pour le PAS en valeur absolue par rapport à 2021 et une amélioration de son score auprès des électeurs de Transnistrie majoritairement russophone. On remarque que pour la première fois, les voix de la diaspora n’ont pas été indispensables à la victoire : le PAS est arrivé en tête en Moldavie même.
Maia Sandu et son parti reçoivent donc un mandat clair pour poursuivre le rapprochement de la Moldavie avec l’Union européenne.
Clairement, la trajectoire européenne est consolidée. La Moldavie a déposé sa candidature en même temps que l’Ukraine en 2022, elle a entamé les négociations d’adhésion en 2024. Le gouvernement moldave va donc viser l’ouverture de tous les chapitres de négociation.
Malheureusement le processus d’adhésion reste bloqué par un veto hongrois.
Oui, la Moldavie, considérée comme remplissant les critères techniques en plus de cette victoire de l’Etat de droit, se voit empêchée d’avancer. Budapest prétexte notamment ses préoccupations sur les droits de la minorité hongroise en Ukraine. Donc, entre chantage pour extorquer de meilleures conditions financières de la part de l’UE ou complaisance complice avec les objectifs géopolitiques de la Russie, la Hongrie bloque les futurs élargissements.
En fait, l’élargissement de l’Union européenne dans ce contexte post-invasion de l’Ukraine, est non seulement une question géopolitique, mais aussi identitaire et institutionnelle.
Avec ces candidatures de 2022, l’Union est forcée à repenser les frontières, ses règles et ses capacités. L’élargissement représente une “réunification” nécessaire de l’Europe, malgré les craintes. Chaque élargissement est un défi qui mérite toute notre attention.
Un entretien réalisé par Laurence Aubron.