L'état de l'État de droit - Elise Bernard

La question des langues régionales

@Martijn Vonk/Unsplash La question des langues régionales
@Martijn Vonk/Unsplash

À propos d’Elise Bernard : Docteur en droit public, enseignante à Sciences-Po Aix et à l'ESSEC, décrypte chaque semaine les traductions concrètes, dans notre actualité et notre quotidien, de ce grand principe fondamental européen qu’est l’État de droit. Ses analyses sont publiées sur la page Europe Info Hebdo.

L'Etat de droit c’est indispensable pour faire vivre une Europe comme communauté politique mais comment prendre en compte certains particularismes nationaux ?

Franchement Laurence, je trouve dans l’Union, les questions nationales ne le restent jamais longtemps. D’ailleurs, certains problèmes politiques intérieurs peuvent trouver leur dénouement en passant par la réglementation supranationale européenne. Regardez le Premier ministre espagnol Pedro Sanchez.

Ah oui c’est vrai que depuis les élections de juillet, il cherche des alliés pour former un gouvernement.

Voilà, sans entrer dans les détails, Sanchez tente de rallier les députés du parti “Unis pour la

Catalogne” et parmi les conditions posées, se trouve la reconnaissance du Catalan comme langues officielles des institutions de l’UE. La reconnaissance des autres langues régionales du Royaume y compris.

Ça ne devrait pas être un problème, le multilinguisme fait partie des principes démocratiques reconnus officiellement et mis en œuvre par l’UE.

Tout à fait, c’est même inscrit dans les traités (art. 55). Nous comptons 24 langues officielles, dont certaines très spécifiques : c'est ce qui explique que l’anglais est resté une langue officielle malgré le Brexit pour les commodités d’usage.

Oui c’est vrai que l’Irlande a officiellement fait adopter le gaélique irlandais comme langue nationale.

C’est très net en Irlande, un peu moins en Espagne mais ça avance, les députés acceptent dans une résolution, depuis quelques jours, l’utilisation du catalan mais aussi du basque et du galicien dans ses institutions.

D’accord, donc comme la question divise en Espagne, les promoteurs des langues régionales poussent leur action à Bruxelles !

Exactement. Pour des raisons de politique interne mais en conformité le droit de l’UE, les représentants de l’Etat régional qu’est l’Espagne demandent aux représentants des autres Etats d’accepter ces 3 nouvelles langues comme étant officielles à l’UE.

Ils s’y sont opposés ?

Non de ce que je comprends, ce n’est pas urgent, ça peut être un symbole intéressant pour la fin de la présidence tournante espagnole du Conseil.

L’enjeu est donc minime.

Pas si minime que ça, si on y réfléchit un peu. Il est question de dizaines de millions de locuteurs de ces langues régionale, les voir inclues dans ce qu’on appelle Union européenne n’est pas un détail.

Alors pourquoi s’y opposer, à cause des coûts de traduction et interprétariat ?

Plus sérieusement, ce qui est craint c’est que si les régionalistes obtiennent cette avancée ils réclameront plus à Pedro Sanchez : une loi d'amnistie pour les personnes impliquées dans le référendum illégal lié à la déclaration d’indépendance de la Catalogne, le 1er octobre 2017.

Mais ils avaient déjà été graciés n’est pas ?

Oui en 2021 reconnaitre mais l’amnistie va changer complètement la donne en matière de promotion régionaliste et va beaucoup plus loin que le simple usage d’une langue !

Un entretien réalisé par Laurence Aubron.

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