L'état de l'État de droit - Elise Bernard

Certaines rigueurs de l'État de droit doivent-elles être remise en cause ?

©Mehr Demokratie, (photographie par Nicola Quarz) sur Flickr Certaines rigueurs de l'État de droit doivent-elles être remise en cause ?
©Mehr Demokratie, (photographie par Nicola Quarz) sur Flickr

Elise Bernard : Docteur en droit public, enseignante à Sciences-Po Aix et à l'ESSEC, décrypte chaque lundi sur euradio les traductions concrètes, dans notre actualité et notre quotidien, de ce grand principe fondamental européen qu’est l’État de droit. Ses analyses sont publiées sur la page Europe Info Hebdo.

L’Etat de droit ce sont des procédures strictes qui garantissent sécurité juridique et stabilité mais dans quels cas cette rigueur des procédures doit être remise en cause ?

Eh bien Laurent à chaque fois qu’il y a urgence!

En cas de crise pandémique par exemple.

Exactement, on a vu plusieurs entorses aux procédures dans différents domaines.

Des entorses en matière budgétaire notamment il me semble.

En Allemagne en particulier oui, et cela se retourne contre le gouvernement Scholz d’ailleurs en ce moment.

Mais les manifestations des agriculteurs n’ont rien à voir avec la crise pandémique!

Non rien à voir! Mais les entorses budgétaires votées pour répondre à la crise pandémique ont été invalidées par la cour constitutionnelle de Karlsruhe. S’en est donc suivi des coupes budgétaires.

Ah la coalition socialiste-écolo-libéraux préfère financer la transition écologique au détriment des agriculteurs alors.

Même pas! Le 15 novembre dernier, la cour constitutionnelle allemande au nom du principe constitutionnel du frein à l’endettement a invalidé la réutilisation des fonds destinés à répondre à la crise pandémique.

D’accord, la crise pandémique avait justifié un plus grand endettement mais les fonds non utilisés pour parer à l’urgence ne peuvent pas être utilisés à autre chose.

Voilà, 60 milliards d’euros ne peuvent pas être prévus ailleurs - ni pour les investissements verts, ni pour subventionner les agriculteurs.

Mais pour quelle raison?

Parce que selon la cour constitutionnelle, il ne s’agit pas d’urgences justifiant l’entorse à la règle constitutionnelle du frein de la dette! La cour constitutionnelle ne fait pas de politique : elle veille à ce que les règles constitutionnelles soient respectées.

L’Allemagne a constitutionnalisé ses règles budgétaires, sans rentrer dans les détails, elles sont strictes, et les défenseurs de ses règles strictes avaient vraiment accepté une entorse pour faire face à la crise pandémique à contre cœur.

Cela signifie donc que la transition écologique ou la situation agricole n’est pas une urgence.

Eh voilà, il est là le débat politique dans lequel les juges constitutionnels allemands ne veulent pas rentrer. C’est le frein de la dette qui a valeur constitutionnelle, pas les ambitions agricoles ou du Pacte vert et ce n’est pas au juge constitutionnel de décider cela.

Donc cette règle stricte du frein de la dette est remise en cause.

Voilà. Un autre débat qui met en difficulté le gouvernement Scholz c’est qu’entre les 3 partis de la coalition, tout le monde n’est pas d’accord. Certains estiment que cette règle stricte est indispensable, d’autres pensent qu’il faut l’assouplir pour une meilleure considération des investissements verts.

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