À propos d’Elise Bernard : Docteur en droit public, enseignante à Sciences-Po Aix et à l'ESSEC, décrypte chaque lundi sur euradio les traductions concrètes, dans notre actualité et notre quotidien, de ce grand principe fondamental européen qu’est l’État de droit. Ses analyses sont publiées sur la page Europe Info Hebdo.
L’Etat de droit c’est cette évidence qu’on ne voyait plus jusqu’à ce que Viktor Orban la remette au centre du débat et aujourd’hui, à l’heure d’élargir l’Union européenne il y a encore des oppositions sur sa place prioritaire ou non!
Pour faire un petit bilan, j’ai l’impression que quand l’élargissement n’est pas à l’ordre du jour, - voire rejeté - l’Etat de droit n’est pas un sujet. Il a recommencé à en devenir un quand certains dirigeants ont exprimé leur vision divergente de l’Etat de droit.
C’est ce qui a provoqué les sanctions financières prononcées par la Cour de justice de l’UE et les invocations de l’Art. 7 TUE.
Tout à fait. Et là aujourd’hui, avec l’accélération des pression – on l’a vu tout au long de l’année - il ne s’agit plus de se demander si l’élargissement de l’UE aura lieu, ni quand il aura lieu, mais comment. Tout le monde est d’accord avec ça maintenant : les équilibres actuels de l’UE ne peuvent pas en sortir inchangés.
Oui mais les conditions et le contexte actuels sont très particuliers ! Ce n’est pas la promotion de l’Etat de droit qui motive tout ça.
Disons que c’est trop tôt pour le dire. Voyez en 2004, l'optimisme observé lors de l'élargissement de contraste avec la dynamique actuelle. Beaucoup ont espéré plus d’Etat de droit dans leurs nouvellement membres de l’Union. Mais chez les anciens membres, pour qui l’Etat de droit n’était pas un sujet, aucun intérêt de le voir éventuellement garanti ailleurs.
Ce qui intéressait les gens à l’époque c’était plutôt le dumping social! Le chômage.
C’est vrai. Donc, que les polonais soient plus démocratiques n’emportait aucune conséquence. Celle de savoir que les entreprises pouvaient embaucher des plombiers à bas prix, ça ça a servi à la montée des mouvements populistes au sein de l'UE.
Que les hongrois adoptent une position discutable en matière de démocratie n’emporte a priori pas de conséquence sur la vie des citoyens.
A priori. Sauf si la Russie décide de revoir le tracé de ses frontières et que ces Etats membres peu regardants sur l’exigence de l’Etat de droit n’y voient pas d’inconvénient.
D’où la médiatisation du fameux veto au Conseil du 15 décembre.
Voilà. On peut débattre du fait que l'UE doit développer sa puissance de défense, envisager la dissuasion collective et protéger ses frontières. On peut diverger sur les modalités. Mais là, aujourd’hui, il faut penser au repli américain envers l’Ukraine et offrir des garanties de sécurité pour les pays candidats non membres de l'OTAN, comme l'Ukraine, la Moldavie ou la Géorgie – pour garantir le maintien de la paix.
On ne peut pas influencer l’orientation des régimes donc tout ce qu’il reste c’est le processus de décision à l’unanimité à revoir!
C’est pour cela que l’on parle de suppression du droit de veto, d’accélération du processus d'adhésion, ou de la conditionnalité stricte dans le versement des fonds européens.
Finalement, c’est pour voir gagner un Etat de droit exigeant sur le continent!
C’est une idée qui commence à faire son chemin je pense.