L'état de l'État de droit - Elise Bernard

Promotion en zone de conflit

@Jim Strasma/Unsplash Promotion en zone de conflit
@Jim Strasma/Unsplash

À propos d’Elise Bernard : Docteur en droit public, enseignante à Sciences-Po Aix et à l'ESSEC, décrypte chaque lundi sur euradio les traductions concrètes, dans notre actualité et notre quotidien, de ce grand principe fondamental européen qu’est l’État de droit. Ses analyses sont publiées sur la page Europe Info Hebdo.


L'Etat de droit c’est le fondement de notre société européenne mais comment le promouvoir en zone de conflit de haute intensité ?

C’est vrai Laurence que souvent, la tendance est de balayer toute nuance : dans certains cas, Etat de droit et droits fondamentaux doivent être mis de côté parce qu'il y a conflit. Nous n’aurions donc pas de temps à perdre avec ces détails. Evidemment, je ne suis pas d’accord : cela pousse à prendre des décisions regrettables.

Comme celle de mettre fin à toute aide européenne aux territoires palestiniens après l’horrible attaque du 7 octobre dernier ?

Par exemple.

On comprend quand même qu’il y ait cette crainte de voir des fonds européens détournés de leur objectif d’humanité et d’Etat de droit pour financer des organisations terroristes.

Oui, rien de pire que de voir des aides européennes atterrir chez des gens pour qui l’Etat de droit n’est pas une priorité, voire quelque chose à évincer. Que l’on parle de zone de conflit ou non d’ailleurs. Le caractère impressionnant et la grande diffusion de l’attaque du 7 octobre semble appeler une réponse tout aussi radicale de la part de l’Union européenne.

Oui, nous ne parlons pas du conflit israelo palestinien aujourd’hui.

Ce n’est pas le sujet. Nous sommes toujours dans cette guerre des idées relative à une vision exigeante de l’Etat de droit. Avec, des aveux de faiblesse côté européen pour maintenir ce cap. Ce n’est pas l’UE qui va régler cette interminable crise, c’est évident, maintenant il faut être au clair sur ce qu’elle peut faire pour promouvoir humanité et Etat de droit.

Voilà, ne pas se cacher derrière un “c’est la guerre, donc on met de côté la poursuite de l’Etat de droit”! Mais l’Union, au fait, comment elle promeut l’Etat de droit auprès des Palestiniens?

Depuis dix ans, existe un plan d’action pour une coopération économique et politique UE territoires palestiniens. Je ne reviens pas dessus mais il est donc, au regard des circonstances, suspendu. Ce qui est capital, à l’heure actuelle, c’est la politique européenne de sécurité et de défense commune de l’article 42 du TUE. Elle poursuit deux missions civiles. Une mission EUBAM à Rafah, comme soutien poste frontière. Et la mission de soutien à la police EUPOL Copps : l’idée c’est de soutenir une police civile palestinienne et une justice pénale.

L'UE organise des missions et dépense de l’argent pour promouvoir une société qui ne serait pas soumise à la tyrannie en fait.

Tout à fait. Donc quand on commente, qu’on va tout arrêter, que l’UE n’a plus à faire quoi que ce soit avec ces criminels palestiniens. Non seulement on fait un amalgame dramatique avec les populations civiles qui subissent les affrontements de tout façon. Mais surtout, on pêche par aveu de faiblesse.

Ah oui, en déclarant annuler toute aide, on désavoue complètement le travail de l’EUBAM et de de l’EUPOL!

On peut critiquer les résultats de ces deux opérations, on peut débattre de leur sort et leur financement. Mais vraiment, à l’heure où la Commission se dit géopolitique, ce n’est vraiment pas une bonne stratégie de désavouer ses deux missions PSDC !

Entretien réalisé par Laurence Aubron.

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