L'état de l'État de droit - Elise Bernard

Le refus d’agir pour l'environnement et l'État de droit

Annie Spratt sur Unsplash Le refus d’agir pour l'environnement et l'État de droit
Annie Spratt sur Unsplash

Élise Bernard, docteur en droit public, enseignante à Sciences-Po Aix et à l'ESSEC, décrypte chaque lundi sur euradio les traductions concrètes, dans notre actualité et notre quotidien, de ce grand principe fondamental européen qu’est l’État de droit. Ses analyses sont publiées sur la page Europe Info Hebdo.  

L’Etat de droit en Europe se sont des exigences de plus en plus poussées pour viser une société favorable à toutes et tous, mais alors, comment se justifie le refus d’agir pour un environnement plus sain ?

Ah ça Laurent, dénié ou assumé, les conditions de l’habitabilité de notre planète s’imposent à toutes les politiques - qu’elles soient européennes et nationales.

Oui mais on constate de plus en plus des revendications anti-écologistes.

Comme souvent, oui et non. Il existe des partis politiques ouvertement climatosceptiques depuis longtemps aux États-Unis et au Canada. Vous vous rappelez tous du Tea Party.

Oui c’est vrai qu’on ne le prenait pas trop au sérieux : en Europe, la lutte contre le réchauffement climatique a longtemps bénéficié d’un consensus général.

Oui, nous avons des politiques publiques de la transition énergétique et de la protection de l’environnement qui commencent à faire sentir leurs effets au quotidien, et paradoxalement, le consensus craque.

Oui, ça se braque sur certaines avancées comme les restrictions sur les moteurs thermiques en ville, ou sur les modes de productions agricoles. Ca se politise même!

Eh oui, j’y viens. Nous avons un droit de l’environnement de plus en plus exigeant. On parle de crime d’écocide maintenant! On en a déjà parlé, le droit à un environnement sain est en train de muter en droit fondamental au même titre que le droit à l’intégrité physique.

Enfin, de là à diaboliser les personnes et les actions favorables à un environnement plus sain, c’est difficile à saisir.

Tant que c’était secondaire, pas de problème! mais la protection de l’environnement, en pénétrant les plus hautes marches de la hiérarchie des normes, a fait que certains intérêts sont bousculés. Et l’être humain, par nature, il n’aime pas être bousculé.

C’est vrai que critiquer comme ça, tous azimuts, c’est surtout un aveu de faiblesse : les priorités changent et ceux qui deviennent secondaires vont essayer de maintenir l’attention.

Sur ce point, ma position reste la même. L’existence d’un débat est sain. La visibilité du débat, c’est très bien. Que les positions soient représentées de façon équilibrée dans l’espace communicationnel, c’est tout à fait réjouissant.

C’est plutôt la teneur des arguments qui inquiètent.

Exactement, et c’est là que je suis un peu inquiète. Quand des publications sur les réseaux sociaux diffusent des deepfake de Greta Thunberg dans des visuels pornographiques, sous couvert d’humour, ça en dit long sur le niveau de sérieux des détracteurs. Et si les partis traditionnels s’emparent de cette lutte – j'insiste, il n'est pas question de prendre part au débat quand on diffuse ce genre de choses – c'est là que le débat risque de disparaître derrière un étalage de sensationnalisme. Si les choix des bulletins de votes sont motivés/amusés à grands coups d’humour discutable, ils risquent d’être encore plus déçus!