Michel Derdevet, président du think tank Confrontations Europe détaille dans cette chronique 30 propositions de 30 auteur·ices issues du livre "30 idées pour 2030" pour aborder autrement les élections européennes prochaines. Sur euradio.
Dans le chapitre 18 du livre « 30 idées pour 2030 », Anne Bucher, docteur en économie, ancienne directrice générale de la santé alimentaire et sécurité sanitaire à la Commission européenne, dresse un panorama sur l’opportunité suite à la pandémie de Covid-19 pour une Europe de la santé.
La pandémie de Covid-19 eut-elle l’effet d’une étincelle pour le développement d’une “Union européenne de la santé” ?
En effet, suite à la crise, une sensibilisation accrue s’est développée et est en train de mûrir sur les questions du soin et de la santé à différentes échelles mais notamment au niveau européen : les crises ne connaissent pas de frontière et la prévention et gestion des pandémies nécessite une gouvernance globale où la coopération est phare.
Ainsi, le terme “d’Union européenne de la santé” est apparu pour la première fois en 2020 par l’adoption d’un paquet du même titre qui n’implique certes pas de nouvelles compétences européennes, ces dernières sont juridiquement très limitées en la matière, mais lance tout de même des nouvelles promesses pour faire de la santé un enjeu politique essentiel des années à venir.
Mais justement cela ne s’inscrit-il pas dans le temps court, dans la réaction, certes efficace, mais vouée à s’étioler peu à peu ?
Anne Bucher développe différents exemples pour répondre à cette interrogation. A titre d’illustration, l’Autorité européenne de préparation et de réaction en cas d’urgence (HERA) vient pérenniser le dispositif mis en place en 2020 pour l’achat commun des vaccins. Ainsi, l’UE se dote d’instruments pour répondre à de futures crises.
Cependant, cela va plus loin, un tournant a notamment été pris par la réforme de la législation pharmaceutique adoptée par la Commission le 26 avril 2023 qui est de manière novatrice car sensible à la disponibilité, aux pénuries et à l’accès des médicaments en parallèle d’objectifs plus traditionnels d’innovation et d’efficacité rattachés au marché intérieur.
L’Union européenne accorde également une importance certaine à la protection des données, développe-t-elle une action qui comprend la question des données de santé ?
En effet, Anne Bucher souligne une seconde proposition législative post Covid concernant l’Espace européen des données de santé. La numérisation des données et les questions que son développement implique est bien devenue incontournable dans l’ensemble des Etats membres et donc au niveau européen.
Malgré ces nouveautés, vous soulignez les compétences
limitées de l’Union européenne en matière de santé. Peut-elle aller plus
loin pour une Europe de la santé sans une réforme préalable des Traités
?
L’Union européenne peut pour le moment profiter de cette opportunité pour lancer des impulsions sur des enjeux phares et des défis communs de santé. A terme, en effet, une modification du cadre juridique est essentielle pour des réelles coordinations de politiques de santé qui soient en accord avec les questions sociales et environnementales.
Pour autant, le cadre juridique actuel nous permet déjà d’aller plus loin. Ainsi, nous pourrions réfléchir à un mandat élargi du Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC) qui permette d'offrir un pôle commun de connaissance et de pratiques médicales entre les Etats membres.
A un moment où nous devons penser nos systèmes de santé et notre manière d’aborder le soin aujourd’hui, l’action européenne est une dimension à ne pas laisser de côté.
Un entretien réalisé par Laurence Aubron