Michel Derdevet, président du think tank Confrontations Europe détaille dans cette chronique 30 propositions de 30 auteur·ices issues du livre "30 idées pour 2030" pour aborder autrement les élections européennes prochaines. Sur euradio.
Dans le chapitre 21 du livre « 30 idées pour 2030 », nous revenons avec Maxence Cordiez, responsable des affaires publiques européennes au Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), sur la nécessité d’investir dans la Recherche et le Développement, pour renforcer l’industrie européenne, alors que l’Europe a désormais reconnu la fragilité de ses approvisionnements stratégiques, et doit repenser son appareil productif, du fait de l’urgence climatique.
Pourquoi l’Union et son industrie connait-elle un désavantage par rapport aux puissances étrangère concurrentes ?
Et bien, Laurence, parce qu’aujourd’hui, le commerce mondial est encore moins qu’hier, si vous me passer la formule, un monde de « bisounours » ! Les États-Unis, la Chine et l’Inde soutiennent de manière massive leurs industries par des aides d’État, des taux préférentiels ou des barrières douanières. Cela permet notamment à leurs industriels d’avoir une longueur d’avance en matière de technologies émergentes, et surtout de réduire leurs coûts de production sur des marchés protégés.
L’Europe, elle, par construction, a toujours été tournée vers le commerce mondial, avec une stratégie d’ouverture importante de ses marchés, accompagnée d’un accès à bas coût aux technologies. Ce modèle ces dernières années a prouvé ses limites, car il a généré une désindustrialisation partout en Europe et, surtout une perte d’autonomie stratégique dans beaucoup de secteurs.
Comment peut-on alors renforcer l’industrie et développer les capacités technologiques de l’Europe ?
Au-delà des outils financiers et réglementaires, nécessaires bien sûr, de nombreuses acteurs militent aujourd’hui pour que soit engagé un effort massif de recherche et d’innovation. Il sera vital si l’Europe souhaite conserver la maitrise de ses compétences et de ses chaines de valeurs stratégiques, et emprunter la voie de la réindustrialisation. À ce titre, le programme-cadre pour la Recherche et l’Innovation entre 2027 et 2033, devra orienter les objectifs de notre politique industrielle vers la productivité, la compétitivité et la souveraineté.
Dans les faits, comment se traduit cette volonté de renforcer la politique européenne de R&D ?
Tout d’abord, les partenariats public-privé de R&D entre acteurs académiques et industriels doivent se poursuivre et se renforcer vers une définition collective des besoins en dans le domaine.
Puis, il est nécessaire de mettre en place un programme de développement d’infrastructures technologiques pour permettre le lien et le transfert, entre la Recherche en laboratoire et la démonstration des technologies industrielles. Car, certes, l’Union est dotée d’importantes infrastructures en termes de recherche, mais elle a désormais besoin d’investissements et de financements dans la phase d’expérimentation des technologies et des innovations.
On peut ici, mentionner l’exemple des puces semi-conducteurs du futur, qui en plus d’être pensées en Europe, seront aussi produites sur le continent.
La question du financement de l’ensemble de ces projets apparait comme fondamentale ; mais comment s’assurer qu’elle soit résolue ?
Les prochains programme-cadres autour de la recherche devront être accompagnés d’un budget très ambitieux, dont une part sera protégée pour prendre en compte les possibles révision du budget européen. C’est cette stabilité financière qui permettra une vision à moyen et long terme de la politique industrielle, et qui favorisera donc la confiance d’investisseurs privés et publics.
Un entretien réalisé par Laurence Aubron