Une semaine sur deux sur euradio, Tiphaine Chevallier, directrice de recherche à l'Institut de Recherche pour le Développement (IRD) , cherche à effectuer un rappel à la terre qui se trouve sous nos pieds, sous le bitume, dans l'optique de renouer les liens forts que nous entretenions avec cette dernière.
Aujourd’hui, je vais vous parler du 5 décembre.
Du 5 décembre ?
Du 5 décembre, le jour anniversaire du roi Bhumibol de Thaïlande. Décédé en 2016, après 70 ans de règne, il a marqué durablement son pays. Aujourd’hui encore, même après sa disparition, ce jour est toujours fêté en Thaïlande. C’est le jour de la fête des pères.
Vous nous faites une chronique « famille royale » aujourd’hui ou vous allez nous parler des sols ?
Eh bien, un peu les deux. Car c’est grâce à l’intérêt de Bhumibol pour les sols et sous son impulsion, que, depuis 2012, la FAO, l’organisation onusienne de l’agriculture et de l’alimentation, organise chaque année le 5 décembre, la journée mondiale des sols.
Sensible aux conditions de vie de son peuple essentiellement rural, il était persuadé que développer l’agriculture c’était s’occuper de ses sols. Bhumibol, tout roi qu’il était, était terrien. Pour lui rendre hommage, c’est en son jour anniversaire, le 5 décembre donc, que nous fêtons les sols.
Le 5 décembre est tout juste passé, il est peut-être encore temps de fêter les sols, que proposez-vous pour célébrer les sols à la radio ?
Un petit jeu inspiré du travail de 2 collègues, Abigaël Fallot du Cirad et Antonia Taddei, dramaturge proche des sciences. Un jeu de comparaison entre les sols et… pour commencer, la mère. Les sols comme les mères produisent, nourrissent.
Oui la terre mère, un peu facile.
Trop facile, prenons les sols comme un monument historique. Le sol est comme un monument historique car il se construit sur de longues années, il est précieux, il a enregistré parfois les traces des vies passées, il fait partie de notre paysage quotidien, mais fragile si on n’y prend pas soin, il se détériore petit à petit et perd de sa valeur.
Mais ce monument n’est pas vivant comme un sol ?
OK, c’est vrai, on aurait pu y mettre quelques visiteur·euses, mais vous avez raison le côté vivant y est absent. Alors prenons le sol comme une ville, une métropole. Les villes fourmillent… Comme le sol, elles hébergent des habitant·es qui se déplacent, il y règne une atmosphère plus ou moins confinées, riches en CO2. Les villes ont des voies de circulation entre des constructions, et sont étagées. Villes et sol sont plus ou moins organisés avec des réseaux sociaux ou des chaines trophiques. Qui mange qui dans les villes, je vous laisse réfléchir…
A mon tour de jouer, le sol est comme une éponge. Il filtre de l’eau, il la retient un peu aussi, car comme une éponge, il est naturellement poreux. Et comme une éponge usée, il contient, pas mal de microbes.
Bravo, celle-ci est réussie aussi. On pourrait continuer longtemps car il existe une multitude de métaphores sur les sols. Une multitude parce que les sols nous offrent une multitude de services. Certes on les perçoit comme une boîte noire dont on connait mal le fonctionnement, mais ils produisent aliments, fibres et énergie, filtrent nos eaux, hébergent une biodiversité en partie inconnue et vont parfois jusqu’à archiver des traces archéologiques. Les comparaisons avec des organisations, des machines, des réservoirs sont dès lors nombreuses. Ils sont un capital, un patrimoine à préserver, et dans nos imaginaires, on peut compter sur eux. Ils sont là et seront toujours là. Pourtant le sol parfois se dérobe sous nos pieds ou sous nos yeux.
Que voulez-vous dire ?
La dégradation des sols, l’érosion, la salinisation, la pollution sont autant de menaces pour nos sols. Quant à l’urbanisation qui les couvre, si elle nécessaire, elle doit être réfléchie. Il ne faut pas oublier qu’elle s’accompagne toujours de la perte de tous les services rendus dont on parlait tout à l’heure. La journée mondiale des sols permet de se souvenir de leur importance au moins une fois par an !
Alors fêtons les sols tous les 5 décembre !
Oui tous les 5 décembre car sans eux, sans des sols sains, pas de grains pour nourrir les chapons, pas de marrons autour du chapon, pas de blé ni même de cacao pour confectionner les bûches de nos tables de fêtes. Alors fêtons les sols et joyeuses fêtes de fin d’années à tous·tes.
Entretien réalisé par Laurence Aubron.