L'humeur européenne de Bernard Guetta

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© Photo de Brett Wharton sur Unsplash It’s Time
© Photo de Brett Wharton sur Unsplash

Chaque semaine sur euradio, retrouvez la chronique de Bernard Guetta, député européen, qui effectue un retour sur les actualités et événements européens actuels.

Mais quoi, lui ai-je demandé ? Vous voudriez tous les tuer ? Mon voisin de terrasse a blêmi : « Mais non ! Je ne veux tuer personne », s’est-il indigné alors même qu’il venait de m’expliquer, navré, sans haine, mais c’est ainsi, qu’Israël, non, ne pouvait pas cesser de bombarder Gaza car il fallait éradiquer le Hamas avant qu’il ne reprenne la main et ne réenclenche le cycle des guerres.

En fait, il était perdu. Ce qu’il aurait voulu c’est que le plus grand nombre possible de Gazaouis partent d’eux-mêmes, en Egypte, en Europe, dans le Golfe, n’importe où mais ne restent pas puisqu’ils avaient tous applaudi le 7 octobre, chanté, dansé de joie, « regardez les photos, qu’est-ce qu’on peut faire avec ces gens-là ? ». Il a fini par dire « avec ces animaux » avant de regretter ce mot. Il lui faisait honte mais il savait que les Gazaouis resteraient à Gaza et il en était complètement retourné, perdu comme le sont presque tous les Israéliens, sauf l’extrême-droite nationale-religieuse.

A la droite de Benjamin Netanyahou, tout est simple. Il faut que quelque 10% des Gazaouis s’en aillent, « c’est possible », en Amérique latine par exemple, que des colons viennent rebâtir les fermes détruites après le retrait israélien d’il y a 20 ans et que les Gazaouis restants y travaillent « pour le bien commun ». Vraiment ? Vous croyez à ce que vous dîtes ? Oui, absolument, ils le croient, car « les Arabes ne comprennent que la force et si nous ne cédons pas, la paix reviendra comme après 67 », comme après la Guerre des 6 Jours, la défaite arabe et l’occupation des territoires palestiniens.

Le seule chose qui fasse vaciller les certitudes des nationaux-religieux est le nom de Trump. Avant même qu’on ne sache que le président américain allait rencontrer les présidents palestinien, libanais et syrien à Ryhad, l’extrême-droite s’inquiétait déjà que la Maison-Blanche ne veuille signer, derrière le dos des Israéliens, un compromis avec l’Iran après en avoir conclu un avec les Houthis.

Quoi qu’elle en dise, le doute gagne aussi l’extrême-droite et de l’autre côté de l’échiquier politique, au centre, à gauche et au centre-droit, la confusion est encore profonde. Ancien patron du renseignement intérieur et partisan de longue date de la solution à 2 Etats, l’amiral Ayalon ne croit pas que cette coalition des droites dure et extrême puisse durer jusqu’aux élections d’octobre 2026. Comme beaucoup, il pense que Netanyahou n’arrivera pas à arbitrer entre ses propres électeurs et les nationaux-religieux sur la question de l’exemption de service militaire des ultra-orthodoxes. Cela va déchirer les droites, dit-il, mais il n’est pour autant pas confiant en la capacité de l’opposition à prendre la relève.

Là non plus, il n’est pas le seul car les démocrates israéliens, tous ceux qui veulent à la fois défendre la démocratie, arrêter les bombardements et relancer des négociations de paix avec les Palestiniens souffrent d’un double mal : la même usure politique que toutes les gauches du monde et une incapacité à convaincre une solide majorité d’Israéliens qu’un compromis historique avec les Palestiniens serait encore possible.

Le 7 octobre a été ravageur. Cette tuerie a tant horrifié ce pays qu’il veut tout à la fois obtenir la libération des otages, à tout prix, et ne rien céder au Hamas dont dépend pourtant la fin de ce calvaire.

Quant aux Palestinien, leur désarroi est tout aussi profond car leur désir de paix est aussi total que leur manque de leaders capables d’en retrouver le chemin.

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