Nous retrouvons Anna Creti, professeure d'économie à l'Université Paris Dauphine et Directrice scientifique de la chaire économie du gaz naturel et de la chaire Economie du climat.
A quelques jours de la fin de la Présidence Française de l’Union, pouvons-nous faire un tour d’horizon sur ses objectifs en matière de climat ?
Formellement, la Présidence finira dans deux semaines, donc des « surprises » peuvent encore arriver. Mais en relisant les textes diffusés début janvier, il est intéressant déjà de passer en revue les objectifs (ambitieux) du programme proposé pour ce semestre 2022. En matière climatique, le programme soulignait l’importance de concilier le développement économique et les ambitions climatique. Un chantier en particulier était visé : l’instauration de la taxe carbone aux frontières de l’Europe pour les produits qui ne respectent pas les exigences climatiques de l’Union. Concernant la biodiversité, il était question de créer un instrument de lutte contre la déforestation importée, soit l’importation des biens dont la production détruit la forêt dans le monde : soja, bœuf, huile de palme, cacao…Une importante mobilisation sur des évènements internationaux comme la Conférence des Parties sur la biodiversité et la Convention sur les zones humides ont accompagné cet objectif biodiversité. Un objectif aussi d’économie circulaire : accélérer les négociations entre les Etats Memebres sur la proposition de règlement en matière de batteries et déchets. Et enfin en matière d’environnement, il était question d’inscrire l’environnement dans la charte des droits fondamentaux de l’Union Européenne, ainsi que de promouvoir des initiatives dans le cadre de l’action « zéro pollution » à l’horizon 2030.
Quels sont les éléments-clés pour dresser un premier bilan ?
Il y a encore un Conseil Européen, un conseil de l’Energie et un Conseil de l’environnement qui vont se suivre d’ici deux semaines mais on peut revenir sur des moments forts de cette Présidence. De façon générale, les discussions au Parlement sur les avancées majeures attendues ont été difficiles. La semaine dernière, le Parlement a rejeté le texte de la reforme du marché européen du carbone, ce qui entraine une renégociation complète du paquet législatif pour lutter contre le changement climatique. Cela comprend toute une série de réformes, en particulier l’élargissement du marché carbone aux transports et au bâtiment. Les propositions de réduction des pesticides et de préservation de la biodiversité ont été reportées. Même scénario pour la déforestation importée.
Des bonnes surprises ?
Oui ! Sur l’automobile. Les eurodéputés ont voté la fin des moteurs thermiques en 2035. Cette avancée n’était pas vraiment prévue. Ceci favorise la massification des ventes des voitures électriques. Un effet peut-être de l’impact dur les prix des carburants du conflit russo-ukrainien.
Impossible en effet de négliger le vrai choc de cette période…la guerre en ukraine
Evidemment, nous ne pourrions pas conclure ce cycle de chroniques sur tout ce qui nous a occupé et préoccupé ces derniers mois, et que nous avons essayé de décrypter : gaz, charbon, pétrole, marché de l’électricité, souveraineté énergétique et alimentaire, sanctions, plan « RePowerEu ». Un contexte imprévisible, un choc qui doit néanmoins faire réfléchir aux urgences de la transition énergétique et bas carbone. Le citoyen comme le politique. L’héritage pour la présidence tchèque est lourd.
Le mot de la fin ?
Il y a quelques jours, la Commission Européenne a posté sur linkedin l’affiche de 1957, année du Traité de Rome, dont le slogan était : l’Europe est maintenant unie pour le progrès et la paix. Le mot de la fin, ne pouvait pas être que celui-ci.
Anna Creti au micro de Laurence Aubron