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La PFUE et les valeurs de l'Europe - Hashtag PFUE avec Olivier Costa

La PFUE et les valeurs de l'Europe - Hashtag PFUE avec Olivier Costa

Comme chaque semaine, nous retrouvons Olivier Costa, directeur au département d'études politiques et de gouvernance européenne au Collège d'Europe pour sa carte blanche sur la Présidence française de l'Union européenne.

Que fait la PFUE pour la promotion des valeurs de l’Europe ?

Les député·es européen·nes ont sévèrement critiqué le manque d’intérêt de la Présidence française du Conseil de l’Union européenne pour les infractions de la Pologne et de la Hongrie aux valeurs de l’Europe. Qu’en est-il ?


Oui, les critiques sont virulentes. Le 3 mai dernier, le Parlement européen a organisé un débat sur le non-respect des valeurs de l’Union par la Hongrie et la Pologne. Mais la présidence du Conseil de l’Union n’était pas là. Les autorités françaises avaient prévenu de l’absence de leurs représentant·es, « pour des raisons d’agenda », mais cette défection passe mal, car cela fait des années que le Parlement européen exige des actes, et que le Conseil traîne des pieds…


La France avait-elle fait des promesses en la matière ?

Oui. Le programme de la PFUE promettait de « contribuer résolument au renforcement de l’État de droit » dans l’Union. Les responsables français indiquaient qu’ils soutiendraient l’action de la Commission dans son rôle de gardienne des traités, et avaient fait explicitement référence à l’article 7 du traité sur l’Union européenne – celui qui permet de sanctionner les États membres en cas de violation des valeurs européennes.

Il semble que ces engagements non tenus passent mal…

Effectivement : les député·es européen·nes réclament depuis très longtemps une action plus vigoureuse à l’encontre des dérives constatées. Le Parlement européen estime qu’il est temps d’agir, d’autant qu’en février 2022, la Cour de Justice a validé le principe de la conditionnalité des aides de l’Union au respect de ses valeurs. Il espérait que cette décision importante encourage enfin le Conseil à agir. La politique de la chaise vide de la PFUE au Parlement européen a donc été fraîchement accueillie.


Concrètement, que s’est-il passé au Parlement européen le 3 mai ?

Rien ne devait être décidé : il s’agissait juste de parler de la démocratie et de l’État de droit dans l’Union, ce qui rend l’absence de la PFUE d’autant plus critiquable. La Commission a lancé en 2017 une procédure de recours en vertu de l’article 7 contre la Pologne pour sa gestion du système judiciaire ; le Parlement européen a fait de même en 2018 contre le gouvernement hongrois pour ses infractions aux règles et les valeurs de l’UE. Mais le Conseil n’y a pas donné suite. Le Commissaire européen à la Justice, Didier Reynders, a reconnu lors des débats du 3 mai que la situation n’était pas bonne, et n’allait pas en s’améliorant. Le conflit porte notamment sur la Chambre disciplinaire polonaise qui a révoqué plusieurs juges critiques à l’égard du gouvernement ; la Cour de justice a estimé en juillet 2021 qu’elle devait être suspendue, et a astreint les autorités polonaises à verser un million d’euros par jour en cas de non-respect de la décision. Pour l’heure, elles font la sourde oreille. De son côté, le Conseil fait le gros dos et refuse de mettre la question à l’ordre du jour.

Et que fait la PFUE ?

Pas grand-chose, car ses moyens d’action sont limités. Sur ces sujets, le Conseil est dans une logique fondamentalement inter-gouvernementale : les représentant·es nationaux·ales y expriment clairement des intérêts nationaux – ce qui n’est pas le cas au Parlement européen. L’activation de la procédure de l’article 7 n’exige que la majorité des quatre cinquièmes au Conseil, mais la constatation d’une violation des valeurs requiert l’unanimité du Conseil européen – moins la voix de l’État concerné. Comme deux États sont mis en cause, et sont décidés à se soutenir l’un l’autre, le Conseil européen ne pourra selon toute vraisemblance décider de sanctions… Plus largement, la PFUE craint que les représentant·es polonais·es et hongrois·es ne fassent obstruction à toutes les décisions qui requièrent l’unanimité – et notamment à une possible réforme des traités – pour protester contre un éventuel zèle de la Présidence sur la question des valeurs.

Il n’y a donc pas de solution ?

La Commission peut conditionner les aides financières de l’Union aux États, ce qui est un levier puissant, mais l’article 7 ne sert pas à grand-chose dans les circonstances actuelles. C’est somme toute logique : l’Union européenne n’est pas une fédération, mais un système hybride. D’un côté, il est suffisamment intégré pour exiger des États membres qu’ils respectent leurs engagements et pour disposer d’institutions supranationales (Parlement européen, Commission, Cour de Justice) désireuses d’y veiller. Mais, d’un autre côté, l’Union n’est pas un État fédéral capable de contraindre ses États membres. Pire : toutes ses décisions-clés restent soumises à l’unanimité, et donc susceptibles d’être bloquées par un seul État membre. La Présidence n’a donc pas intérêt à se montrer trop vindicative. C’est la preuve que l’Union européenne ne peut rester durablement dans cet entre-deux, et que des clarifications s’imposent.

Olivier Costa au micro de Laurence Aubron