L'agroécologie, notre rapport à la nature

Les incertitudes climatiques et l’agroécologie -

©Photo de rol Estrell Les incertitudes climatiques et l’agroécologie -
©Photo de rol Estrell

Mouvement social ou politique, discipline scientifique... l'agroécologie est décidément un terme que tout le monde connait, rejette ou revendique. Dans cette chronique, Edith Le Cadre-Barthélémy, professeure à l'Institut Agro Rennes Angers, décrypte, sur euradio, les différents sens de ce mot.

La question du changement climatique est elle une source d’inquiétude pour le monde agricole, aujourd’hui nous faisons le point avec Edith Le Cadre

Aujourd’hui le changement climatique est observé par la profession agricole. Les agriculteurs et agricultrices observent que la phénologie c’est à dire l’observation du développement des espèces, est modifiée. Par exemple les dates de vendanges sont avancées.

Le monde agricole, comme d’autres, une plus grande récurrence et intensité des de certains phénomènes climatiques extrêmes qu’on appelle communément les vagues de chaleur, les sécheresses ou les inondations.

Est il possible de définir un extrême climatique ?

Les événements climatiques sont qualifiés d’extrêmes lorsqu’une variable météorologique ou climatique prend une valeur située au-dessus (ou au- dessous) d’un seuil proche de la limite supérieure (ou inférieure) de la plage des valeurs observées pour cette variable. Le cinquième rapport de synthèse du GIEC nous rappelle qu’il s’agit d’un phénomène rare en un endroit et à un moment de l’année.

Quelle est la problématique de ces phénomènes climatiques extrêmes ?

Leur imprédictibilité ou pour être plus précise la difficulté de les prédire et donc de d’adapter les pratiques et les systèmes. L’effet d’un phénomène extrême sur le fonctionnement d’un écosystème peuvent être caractérisés en deux temps.

Le premier est appelé la résistance, c’est à dire la capacité de l’écosystème à supporter la perturbation, par exemple est ce qu’il existe une perte de biodiversité ou une modification d’un processus par rapport à une absence de perturbation.

Le deuxième est la résilience, terme mieux connu, qui est la capacité à revenir à son fonctionnement d’origine sans perte de biodiversité après une perturbation.

La conjonction de la résistance et de la résilience est qualifié de stabilité.

Les impacts d’une vague de chaleur ou d’une pluie intense conduisant à l’ennoiement de champs ne seront pas les mêmes car la nature et l’intensité affectent différemment les organismes et les processus qu’ils contrôlent

Que sait la communauté scientifique sur ce sujet ?

Tout n’est pas encore clair car il n’est pas possible de transposer ce que nous savons et encore très partiellement sur les écosystèmes naturels aux écosystèmes cultivés.

Pourquoi ?

Les agroecosystèmes diffèrent des écosystèmes naturels car ils présentent moins de biodiversité afin de favoriser une ou des espèces pour augmenter leur productivité

A cela s’ajoute, des interventions qui interfèrent avec une succession naturelle des espèces lorsque sont décidées les rotations ou que des interventions visant à compléter l’offre du milieu en nutriments (la fertilisation) ou à préparer le sol sont nécessaires

Les ressorts de la stabilité sont donc à mettre au regard de ce fonctionnement particulier des agroécosystèmes et des leviers d’action par les pratiques.

Les pratiques des agriculteurs et agricultrices évoluent constamment car ils et elles observent et s’adaptent au changement climatique. Par exemple, j’observe en Bretagne l’émergence de systèmes sylvopastoraux intraparcellaires, communément appelée agroforesterie intraparcellaire. Les éleveurs qui plantent ces arbres ont pour motivation le bien-être animal et le besoin de maintenir un micro-climat proche des arbres pour éviter l’assèchement des prairies.

L’agroécologie est donc une réponse au changement climatique ?

Probablement ne serait ce que parce qu’elle permet la diversification des productions et donc agirait comme une assurance économique de revenu, et encore probablement à long terme en permettant aux écosystèmes de pouvoir encaisser ces perturbations

Mais le système a des limites : celles des organismes. Si la tendance actuellement du changement climatique continue nous allons expérimenter de plus en plus d’évènements climatique extrêmes et pousser ces organismes au delà de leurs limites biologiques

Par ailleurs, nous ne savons pas quels peuvent être les effets combinés des stress, il reste encore beaucoup à apprendre, et à documenter notamment sur les effets de mémoire de ces phénomènes sur le fonctionnement des écosystèmes.

Merci Edith et à bientôt

Source :

Observatoire national sur les effets du réchauffement climatique

Furtak K, Wolińska A (2023) The impact of extreme weather events as a consequence of climate change on the soil moisture and on the quality of the soil environment and agriculture – A review. CATENA 231:107378.

Furtak K, Wolińska A (2023) The impact of extreme weather events as a consequence of climate change on the soil moisture and on the quality of the soil environment and agriculture – A review. CATENA 231:107378.

Thèse Romane Mettauer, foundation de France, UMR SAS (Rennes)