Mouvement social ou politique, discipline scientifique... l'agroécologie est décidément un terme que tout le monde connait, rejette ou revendique. Dans cette chronique, Edith Le Cadre-Barthélémy, professeure à l'Institut Agro Rennes Angers, décrypte, sur euradio, les différents sens de ce mot.
Aujourd’hui nous allons parler de formations en agroécologie. L’éducation et la formation ont toujours été source de débats, faisant appel à de nombreuses expertises. Mais qu’en est-il sur un sujet aussi particulier et sensible que l’agroécologie. Comment et où enseigne t’on l’agroécologie en France, Edith Le Cadre ?
Nous sommes friands en France de ce débat sur l’éducation et la formation et à chaque remaniement ministériel ou élection le sujet revient. Et c’est normal. L’unesco, rappelle d’ailleurs que chaque être humain a droit à une éducation de qualité et à des possibilités d'apprentissage tout au long de la vie, et dans certains états comme la France il peut exister un code de l’éducation qui définit, encadre au moins jusqu’à 16 ans une formation obligatoire.
Dans les premiers cycles, jusqu’à la fin du collège, il n’existe pas de formation en agroécologie. La formation est très disciplinaire. Les mathématiques sont enseignées d’un côté, l’histoire de l’autre et ainsi de suite. Au mieux, les sciences naturelles ou l’histoire géographie permettront d’aborder les questions d’alimentation et d’agriculture ou de changement climatique, mais pas d’agroécologie. Il faut attendre la fin du collège pour avoir un enseignement en agroécologie. C’est d’ailleurs une de mes hypothèses sur la méconnaissance des manières de produire et du rôle crucial de l’agriculture comme une cause certes à certains constats environnementaux ou sociétaux, mais aussi comme une solution.
Je comprends que l’enseignement sur l’agroécologie repose donc sur des choix d’orientations, ce n’est pas un enseignement commun?
En effet, le choix d’orientation permet d’accéder à l’enseignement agricole. Ce choix peut être effectués après le collège dans des filières technologiques ou professionnelles ou après un baccalauréat général. L’enseignement agricole public est placé sous la tutelle du ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire et constitue un système éducatif entier. Ce système prépare à une diversité de métiers et de titres.
En parallèle de ce système public, il existe l’enseignement privé qui peut être reconnu par l’Etat ou hors contrat. Par exemple, il existe des écoles d’ingénieurs privés et d’autres publics, qui ne sont pourtant pas tout à fait identiques dans leurs choix stratégiques ou adossement à la recherche par exemple.
Pour devenir agriculteur ou agricultrice, est ce qu’il faut un diplôme ?
Il n’y a pas d’obligation à proprement parler, mais pour bénéficier de certaines aides à l’installation en agriculture, il est demandé de justifier de compétences agricoles afin de garantir que le porteur·euse de projet soit en mesure de conduire et de gérer une exploitation agricole. La Capacité Professionnelle Agricole (CPA) est reconnue par l’administration, mais pour cela il faut soit détenir un diplôme agricole de niveau suffisant post bac, ou réaliser un Plan de Professionnalisation Personnalisée
Dans les formations en agriculture, comment est enseignée l’agroécologie ?
Je rappelle une partie de la définition de l’agroécologie : à savoir une discipline scientifique, ou des pratiques. Par conséquent, selon le niveau et la finalité des études, l’enseignement peut porter sur des techniques ou sur une capacité à comprendre l’agriculture dans une dimension plus large. Il est assez dramatique de considérer que l’enseignement agricole n’a pas évolué. Il existe des pré-jugés sur l’enseignement agricole et sur les compétences acquises dans ces formations.
Aujourd’hui l’agroécologie est partout dans l’enseignement agricole. Mais ce n’est peut pas facilement visible d’un point de vue extérieur car l’agroécologie peut être faible par exemple lorsqu’on enseigne l’efficience ou la substitution d’intrants ou forte quand il s’agit de parler de transformation des systèmes de production ou d’effets globaux de l’agriculture. L’enjeu pour l’enseignement de l’agroécologie est le dépassement des postures disciplinaires pour une posture plus transdisciplinaire, pour une vision plus ambitieuse des solutions fondées sur la nature