Mouvement social ou politique, discipline scientifique... l'agroécologie est décidément un terme que tout le monde connait, rejette ou revendique. Dans cette chronique, Edith Le Cadre-Barthélémy, professeure à l'Institut Agro Rennes-Angers, décrypte, sur euradio, les différents sens de ce mot.
Pour première chronique de la saison 3, aujourd’hui Edith Le Cadre vous avez préparé cette chronique avec les étudiants ingénieurs agronomes et masters spécialisés en conception de systèmes de cultures de l’Institut Agro Rennes Angers et de l’université de Rennes.
En effet, cette chronique a été préparé collectivement, et en particulier avec Anne Sophie du Hamel et Esther Paris.
Vous souhaitez développer la thèse d’un lien possible entre l’agroécologie et la résilience des écosystèmes grâce au sol. Peut-être que vous pouvez revenir sur la définition de la résilience des écosystèmes ?
Le terme de résilience, tout comme agroécologie est polysémique.
Pour tenter de le définir, je vais utiliser une analogie, celle d’une balle dans une cuvette. Imaginons ensemble un phénomène climatique extrême comme des pluies intenses qu’ont vécu dramatiquement nos voisins espagnols. Cet événement a le potentiel d’induire un choc comme si quelqu’un tapait fort dans cette balle située au fond de la cuvette.
La balle peut se déplacer le long des bords de la cuvette mais son déplacement dépend de deux paramètres, le degré de la pente des bords et la hauteur des bords de la cuvette.
La résilience est un de ces paramètres, c’est la hauteur des bords de la cuvette. Pour nos auditeurs qui souhaiteraient approfondir la notion, le terme de bassin d’attraction est à rechercher sur les moteurs de recherche, car la balle ou l’écosystème tend à y revenir. Si les bords sont suffisants, malgré le choc, transitoire, l’écosystèmes revient à son fonctionnement d’origine, il est stable.
Que se passe t’il si la balle sort de la cuvette ?
Si elle sort de la cuvette, alors l’écosystème bascule dans un autre fonctionnement, alternatif à celui qui a été à l’origine du choc.
Ce nouvel état peut être désirable ou pas, mais il sera irréversible car un point de non-retour a été franchi.
Les travaux en agroécologie cherche soit à garder la balle dans la cuvette soit à créer une autre cuvette plus enviable, notamment en préservant le sol à l’aide de la biodiversité végétale.
C’est en ce sens que l’agriculture ou la re-végétalisation sont si importants et intimement liés au sol.
Il faut donc être robuste ?
De mon point de vue non, il faut être adaptable et prêt à changer, car face à la diversité des chocs non seulement climatiques, mais également démographiques, ou économiques, il faut être flexible dans notre gestion des écosystèmes et plus particulièrement des agroécosystèmes.
Il faut communiquer sur le fait que le changement, choisi, vers l’agroécologie, est une source d’opportunités nouvelles. La coercition vers l’agroécologie est contre-productive car elle requiert de s’adapter en permanence, et d’en avoir les capacités donc c’est une démarche multi acteurs et solidaire, notamment avec les agriculteurs et agricultrices qui nécessaire.
Mais pour revenir à votre question Laurence, je préfère le terme de résilience à robustesse pour mettre l’accent sur cette capacité adaptative et flexible à s’adapter aux changements, car la robustesse pour nous renvoie à une forme de rigidité incompatible avec l’adaptation.
Un écosystème et un agroécosystème sont complexes, il n’y a pas que le sol et les plantes, alors comment prédire et planifier la résilience en agroécologie?
La résilience découle des différentes composantes de l’écosystème, mais elle ne se déduit pas de la simple addition du fonctionnement de chacune des composantes.
C’est une propriété émergente qui résulte de l’interaction entre ces composantes, autrement dit la résilience c’est un peu comme dire que 1 + 1 = 3.
Est-ce que le sol est le 1 de la curieuse addition que vous venez de mentionner ?
En effet, le sol joue un rôle essentiel dans la résilience des écosystèmes, en soutenant des cycles écologiques vitaux et en agissant comme un réservoir de biodiversité. Les paramètres des sols, qu'ils soient inhérents (comme le pH ou la texture) ou dynamiques (comme le taux de matière organique, le pH ou la biodiversité des organismes du sol ce qui incluse les plantes), influencent directement la résilience écologique.
Ce sont quelques-uns de ces éléments qui permettent à l'écosystème de résister et de se rétablir après des perturbations
Les bords de la cuvette ?
Oui on peut reprendre cette analogie.
Les sols commencent à être vus comme la 10e limite planétaire, c’est-à-dire l’un des seuils que l’humanité ne devrait pas dépasser pour ne pas compromettre les conditions favorables dans lesquelles elle a pu se développer et pour pouvoir durablement vivre dans un écosystème sûr.
Néanmoins, les sols possèdent également un « héritage écologique », résultat de leur évolution passée et de la biodiversité qu’ils ont accumulée. Ce phénomène, désigné se manifeste par des effets se prolongeant après la disparition de l’évènement déclencheur. Le pH du sol, paramètre clé de son équilibre chimique, est ainsi influencé par les plantes elles-mêmes, car celles-ci modifient le pH en fonction de leurs besoins en nutriments.
Malheureusement, les effets de long terme, en particulier ceux associés aux phénomènes climatiques extrêmes sont délicats à intégrer dans les plans de rotation des cultures et de conception, d’autant que la connaissance de ces sujets est récente. Un travail reste à faire pour permettre à ces nouveaux savoirs de transcender la ch
Unne interview de Laurence Aubron.