Quoi de neuf en Europe ?

Quoi de neuf en Europe ? - Nils Gamlin

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« Quoi de neuf en Europe ? », c’est le nom que porte la chronique hebdomadaire réalisée par l’association Perspective Europe. Les étudiants du master Affaires Européennes de Sciences Po Bordeaux se sont donnés pour mission de décoder pour vous, chers auditeurs, l’actualité européenne. Alors quels ont été les moments forts de la semaine qui vient de s’écouler ? On en discute tout de suite avec Nils Gamlin.

Alors Nils, dites moi, quoi de neuf en Europe ?

Le vendredi 4 octobre, l'Union européenne s'est prononcée sur l'imposition de droits de douane allant jusqu'à 35 % sur les véhicules électriques chinois, notamment pour des marques comme BYD et Geely. L'idée derrière cette mesure est de contrer les subventions que la Chine accorde à ses constructeurs, perçues comme concurrence déloyale par les états membres de l’union. Pourtant, le vote a montré une division marquée entre les pays membres : 10 en faveur, 5 contre, et 12 abstentions. Cela a tout de même permis à la Commission de valider les tarifs, mais la situation reste incertaine.

Et pourquoi ce revirement soudain de l'Allemagne ? N'était-elle pas censée s'abstenir initialement ?

Exactement. L'Allemagne comptait initialement s’abstenir comme lors du vote consultatif sur le même sujet en juillet. Finalement, le gouvernement Scholz a changé de cap à la dernière minute pour s'opposer aux droits de douane. Les lobbys industriels allemands ont su user de leur pouvoir de persuasion pour faire céder le gouvernement. Le BDI (Bundesverband der Deutschen Industrie), l’une des principales voix de l’industrie allemande, a rappelé que l’économie allemande était étroitement liée à la Chine, et qu’une confrontation commerciale pourrait alors être désastreuse, surtout pour le secteur automobile. Ils plaident plutôt pour des négociations avec la Chine afin d’éviter un conflit commercial ouvert.

Tout le gouvernement allemand était-il d'accord avec cette décision ?

Pas vraiment. Cette décision a agrandi les fissures déjà présentes au sein du gouvernement allemand. Si le FDP, parti libéral, a soutenu cette approche qu’elle considère comme pragmatique, les Verts, eux, ont été très critiques. Sandra Detzer, porte-parole des Verts, a estimé que cette décision isolait l'Allemagne et affaiblissait la position européenne. Elle a insisté sur l’importance d’une réponse ferme face aux subventions chinoises, qu’elle considère comme déloyales. Elle a déclaré que le vote du chancelier allemand était contre- productif et que l’Europe devait défendre ses intérêts de manière unie.

Pourquoi cette question des voitures électriques chinoises est-elle si cruciale pour l’Europe et pour la Chine ?

Parce que pour la Chine, le marché européen est désormais central. Le marché nord-américain se ferme progressivement à ses exportations, ce qui fait de l'Europe une cible prioritaire. De plus, la transition vers l’électrique est au cœur de l’industrie automobile future. Pour l’Europe, il s’agit de protéger ses fabricants face à une concurrence chinoise redoutable, tout en évitant de se couper d’un partenaire économique incontournable.

Comment Pékin pourrait-elle réagir à ces mesures ?

La Chine semble déjà se préparer à une riposte. Si l'Union européenne impose ces droits de douane sur les véhicules électriques chinois, Pékin pourrait répondre en lançant ses propres mesures commerciales contre les produits européens. D'ailleurs, ces derniers mois, la Chine a déjà ouvert des enquêtes anti-dumping sur certains produits européens comme le porc et le brandy, et des rumeurs circulent sur le fait que les produits laitiers et d'autres biens pourraient être concernés.

Bien que le ministère chinois du Commerce n'ait pas explicitement lié ces enquêtes aux restrictions européennes, celles-ci laissent fort à penser que ces produits pourraient devenir la cible de représailles commerciales dans les mois à venir.

Et la suite ? Que peut-on attendre dans les semaines à venir ?

La Commission européenne a jusqu'au 30 octobre pour rendre sa décision. D’ici là, la Chine peut continuer de tenter de convaincre les États membres de l’Union.

Un entretien réalisé par Laurence Aubron.