Quoi de neuf en Europe ?

Quoi de neuf en Europe ? - Solène Gaignard

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Chaque semaine sur euradio, Perspective Europe, l'association du master "Affaires européennes" de Sciences Po Bordeaux, revient sur l'actualité bruxelloise et européenne. 

Alors, dites-moi Solène, quoi de neuf en Europe cette semaine ?

Tout d’abord, l’un des événements marquants de cette semaine, même si l’on en a déjà beaucoup entendu parler dans les médias, ce sont les résultats des élections législatives anticipées en Allemagne, qui ont eu lieu dimanche 23 février.

Avant d’évoquer les résultats, est-ce que vous pouvez me dire pourquoi ces élections ont-elles été organisées ?

Elles ont été provoquées par la rupture de la coalition gouvernementale entre le Parti social-démocrate, le Parti libéral-démocrate et les Verts, surnommée la coalition du « feu tricolore ». Une crise politique en novembre dernier a fragilisé l’unité du gouvernement, entraînant l’impossibilité pour le chancelier Olaf Scholz de gouverner efficacement. C’est pour cela que des élections législatives anticipées ont été convoquées très rapidement.

Et les résultats donc ? Que faut-il en retenir ?

Déjà, le CDU, qui est le parti conservateur allemand, est arrivé en tête avec 28,6 % des voix. Ce score est toutefois en dessous de ce qui était espéré par le parti, et surtout ce n’est pas suffisant pour que le CDU puisse gouverner seul. Des négociations devront donc avoir lieu pour former une coalition, comme cela s’est souvent vu en Allemagne ces dernières années. Et puis l’autre fait marquant de ces résultats, c’est la percée de l’AfD, le parti d’extrême droite allemand, qui a obtenu 20,8 % des suffrages et devient ainsi la deuxième force politique du pays.

Cette situation est-elle inquiétante ? Quelles pourraient être les implications concrètes de ces résultats ?

Oui, cela inquiète en Europe, surtout parce que l’AfD est perçu comme un parti encore plus radical que d’autres formations national-populistes européennes, au point qu’il ne fait même pas partie du groupe "Patriotes pour l’Europe" au Parlement européen. Cela montre bien son positionnement extrême. Toutefois, la probabilité pour que l’AfD rentre au gouvernement reste mince. En effet, si Alice Weidel, la chef de file du parti, a annoncé que l’AfD se tenait prête à participer à la formation d’un nouveau gouvernement, Friedrich Merz, qui est le leader de la CDU et probable futur chancelier, a exclu cette possibilité durant sa campagne. Malgré tout, nous ne sommes pas à l’abri d’un retournement de situation, compte tenu de la légitimité acquise par l’extrême droite allemande lors de ces élections.

Et quelles ont été les réactions des chefs de gouvernement à l’international au lendemain de ces élections ?

De nombreux chefs de gouvernement européens, comme Petr Fiala, le premier ministre tchèque, ou encore Kyriakos Mitsotakis, le premier ministre grec, ont félicité le CDU et son candidat Friedrich Merz, et se réjouissent de leur future collaboration avec l’Allemagne. De son côté, Donald Trump, le nouveau président des Etats-Unis, a salué sur sa plateforme Truth Social la victoire des conservateurs et la poussée de l'extrême droite. Il a notamment écrit : « A l'instar des Etats-Unis, le peuple allemand en a assez du programme dénué de bon sens qui prévaut depuis tant d'années, notamment en matière d'énergie et d'immigration ».

Il semblerait donc que cette montée de l’extrême droite en Allemagne s’inscrive dans une tendance plus large dans le monde et en Europe, avec une poussée des mouvements populistes et nationalistes.

Oui, c’est ce qu’on observe notamment en Hongrie ces dernières années, où Viktor Orbán continue de renforcer son emprise sur la société. Et justement, il a annoncé jeudi 27 février dernier vouloir restreindre la tenue de la Gay Pride de Budapest.

Est-ce que vous pouvez nous dire un peu plus en détails ce que prévoit cette nouvelle initiative ?

Le gouvernement d’Orbán veut modifier la législation pour empêcher la Marche des fiertés de se dérouler sous sa forme actuelle. L’argument qui est avancé est celui de la "protection de l’enfance", un prétexte d’ailleurs souvent utilisé ces dernières années par le gouvernement hongrois pour restreindre les droits LGBTQ+.

Mais il semblerait que cette décision ait également été influencée par les récentes élections américaines non ?

Oui, absolument. Gergely Gulyás, qui est le directeur de cabinet de Viktor Orbán, a déclaré que l’élection de Donald Trump représentait une opportunité pour interdire la Pride. Il a en effet souligné que, sans l’ambassadeur américain pour la soutenir, puisque ce dernier a démissionné avant l’élection du nouveau président américain , elle ne devrait plus être tolérée.

D’accord, mais concrètement, comment le gouvernement hongrois compte-t-il s’y prendre ?

Le cabinet du Premier Ministre Viktor Orban souhaite proposer un amendement constitutionnel qui mettrait en avant la protection de l’enfance. Sur cette base, le format actuel de la Pride pourrait alors être interdit.

Il semblerait que cette mesure restrictive soit loin d’être la première prise contre la communauté LGBTQ+ en Hongrie…

En effet, loin de là. Ces dernières années, plusieurs lois ont limité les droits de la communauté ; pour n’en citer que quelques-unes, on retrouve par exemple la reconnaissance uniquement des mariages hétérosexuels, l’interdiction de l’adoption pour les couples de même sexe, ou encore l’impossibilité pour les personnes transgenres de modifier leur genre sur leurs papiers d’identité…

Un entretien réalisé par Laurence Aubron.